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Présidence Ghazouani : gouvernance, médias et démocratie en question

Analyse diplomatique sur la gouvernance de Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, le pluralisme médiatique, la justice et les enjeux démocratiques en Mauritanie.

Présidence Ghazouani, pluralisme médiatique et gouvernance : les interrogations légitimes d’une démocratie en construction

Par la rédaction de Rapide Info

À mi-parcours d’une gouvernance présentée comme apaisée et réformatrice, la présidence de Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani continue de susciter interrogations, attentes et débats. Dans un contexte régional marqué par l’instabilité et face à des défis économiques, sociaux et institutionnels persistants, la Mauritanie poursuit une quête délicate : concilier stabilité politique, efficacité de l’action publique et approfondissement démocratique.

Sans procès d’intention ni posture polémique, certaines questions apparaissent néanmoins légitimes, tant elles traversent l’opinion publique, les cercles politiques et les rédactions nationales.

Une vision politique encore en quête de lisibilité

Le chef de l’État met régulièrement en avant la continuité de l’État, la préservation de la cohésion nationale et une approche graduelle des réformes. Toutefois, au-delà des grands projets d’infrastructures et des indicateurs macroéconomiques, une interrogation demeure : quel héritage politique structurant la présidence actuelle entend-elle laisser à long terme ?
S’agit-il avant tout d’un héritage institutionnel, d’une refondation du contrat social ou d’une modernisation durable de la gouvernance publique ?

Libertés publiques et climat démocratique

Sur le plan des libertés publiques, le discours officiel souligne une amélioration notable du climat politique et médiatique. Cette perception est partagée par certains acteurs, mais nuancée par d’autres, notamment dans les milieux journalistiques et civiques.
La question centrale n’est donc pas tant celle des avancées ponctuelles que celle de leur pérennisation institutionnelle : les libertés sont-elles aujourd’hui solidement garanties par des mécanismes durables ou restent-elles tributaires de conjonctures politiques et administratives ?

Justice, État de droit et confiance institutionnelle

La justice demeure l’un des piliers les plus scrutés de la gouvernance actuelle. Les dossiers sensibles instruits ces dernières années ont ravivé un débat ancien : comment garantir l’indépendance effective de l’appareil judiciaire dans un système où les interactions entre politique et justice sont inévitables ?
La crédibilité de l’État de droit repose autant sur les décisions rendues que sur la perception d’impartialité et d’équité qu’elles inspirent à la population.

Jeunesse : entre promesses et impatience sociale

Majoritaire sur le plan démographique, la jeunesse mauritanienne occupe une place centrale dans les discours officiels. Programmes de formation, initiatives pour l’emploi et encouragement à l’entrepreneuriat ont été annoncés. Pourtant, sur le terrain, le sentiment d’attente persiste.
La question demeure entière : la gouvernance actuelle parviendra-t-elle à offrir à cette jeunesse des perspectives suffisamment tangibles pour enrayer le découragement, l’exode et la défiance sociale ?

Dialogue politique : ouverture maîtrisée ou inclusivité réelle ?

Le dialogue national est régulièrement présenté comme un instrument de stabilité et de cohésion. Toutefois, plusieurs observateurs estiment que ce dialogue gagnerait en crédibilité s’il intégrait davantage de voix indépendantes, critiques ou non alignées, sans les cantonner à des postures d’opposition systématique.

Lutte contre la corruption et exigence de transparence

La lutte contre la corruption figure parmi les priorités affichées du pouvoir exécutif. Néanmoins, dans toute démocratie en construction, une interrogation s’impose : peut-il exister une lutte crédible sans transparence renforcée, accès élargi à l’information publique et protection effective des lanceurs d’alerte ?
La confiance citoyenne se construit moins par les annonces que par la constance des pratiques.

Communication présidentielle et accès équitable des médias

Un autre sujet, plus discret mais fondamental, concerne l’accès équitable à l’information présidentielle. Plusieurs journalistes et médias indépendants s’interrogent sur des absences répétées lors de la couverture des activités officielles.

Dans ce contexte, la non-invitation récurrente de journalistes comme Ahmed Ould Bettar, alors même qu’ils ne sont ni opposants politiques, ni en conflit personnel avec l’entourage présidentiel, ni avec le Premier ministre, ni avec des figures respectées par le chef de l’État, telles que Houssein Ould Medou, soulève une interrogation légitime.
S’agit-il d’un choix institutionnel assumé, d’un filtrage administratif excessif ou d’un simple dysfonctionnement dans la gestion de la communication présidentielle ?

Le rôle de l’entourage présidentiel

Cette question renvoie plus largement au fonctionnement interne de la présidence : dans quelle mesure le président est-il directement informé des décisions prises par son entourage en matière de communication, d’accréditations et de relations avec la presse ?
La centralisation du pouvoir n’exclut pas la nécessité de mécanismes de régulation, de correction et de transparence.

Une métaphore pour conclure

Enfin, certains observateurs recourent au symbole pour résumer un climat politique. À ce titre, une question, presque poétique, circule dans les milieux médiatiques :
existe-t-il des cactus dans le jardin de la présidence ?
Symbole de résilience et de patience dans les terres arides, le cactus rappelle aussi que toute croissance durable nécessite de l’espace, de la lumière et parfois une attention particulière.

Conclusion

Ces interrogations ne relèvent ni de la polémique ni de l’opposition systématique. Elles traduisent une attente citoyenne légitime : celle d’un pouvoir confiant, ouvert à la pluralité des regards et conscient que la stabilité durable se nourrit autant de critiques constructives que de soutiens loyaux.

Dans une Mauritanie en quête de maturité démocratique, la capacité à entendre ces questions pourrait, en soi, constituer une réponse politique majeure.

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