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Mauritanie – Appel à la libération de Mohamed Ould Ghadda : le débat sur la protection des lanceurs d’alerte relancé

À Atar, le président du parti Tewassoul, Hamadi Ould Sidi Mokhtar, a appelé à la libération de Mohamed Ould Ghadda, arrêté après avoir annoncé la révélation présumée de faits de corruption liés à un marché public. Une sortie politique qui relance le débat sur la protection des lanceurs d’alerte en Mauritanie.

Atar, Adrar – La question de la lutte contre la corruption et du statut des lanceurs d’alerte s’est invitée au cœur du débat politique mauritanien. Lors d’un meeting populaire organisé mardi soir à Atar, dans la wilaya de l’Adrar, le président du parti du Rassemblement national pour la réforme et le développement (Tewassoul), Hamadi Ould Sidi Mokhtar, a appelé à la libération immédiate de Mohamed Ould Ghadda, président de l’Organisation pour la transparence globale.

Au centre de cette prise de position : l’arrestation d’un ancien sénateur qui, selon ses soutiens, s’apprêtait à rendre publiques des preuves documentées de faits de corruption liés à un marché public concernant un laboratoire de la police. Une détention que le leader de Tewassoul juge à la fois incompréhensible et contre-productive dans un contexte où les autorités affichent leur volonté de moraliser la gestion publique.

« Punir les dénonciateurs, pas les corrupteurs »

Dans une allocution aux accents graves, Hamadi Ould Sidi Mokhtar a dénoncé ce qu’il qualifie de paradoxe institutionnel : « Il est regrettable que le traitement des dossiers de corruption conduise à l’emprisonnement d’un ancien sénateur qui a déclaré être prêt à présenter des documents prouvant une corruption réelle », a-t-il affirmé devant une foule acquise à sa cause.

Le responsable politique a fustigé ce qu’il considère comme une criminalisation des lanceurs d’alerte, estimant que ceux-ci devraient être protégés et honorés, et non sanctionnés. « Les dénonciateurs de la corruption doivent être récompensés, pas punis », a-t-il martelé, avertissant que l’impunité et la dissimulation des pratiques frauduleuses minent en profondeur les fondements moraux de l’État.

Un enjeu de valeurs et de priorités publiques

Au-delà du cas individuel de Mohamed Ould Ghadda, le discours s’est voulu plus large, presque philosophique. Pour le président de Tewassoul, la corruption persistante constitue une atteinte directe aux valeurs nationales, patiemment construites par les générations fondatrices du pays. « Continuer à couvrir les corrupteurs, c’est détruire les valeurs que nos pères et nos grands-pères ont bâties », a-t-il déclaré.

Hamadi Ould Sidi Mokhtar a également établi un lien direct entre la mauvaise gouvernance financière et les difficultés structurelles que connaît la Mauritanie dans des secteurs clés. Selon lui, l’argent public, autrefois jalousement protégé, serait devenu une proie facile, détournée « au détriment de la santé, de l’éducation et de l’assainissement ».

Une opposition qui hausse le ton

Le ton employé à Atar marque une montée en intensité du discours de l’opposition sur les questions de transparence et de reddition des comptes. Le leader islamiste a prévenu que son parti ne resterait pas silencieux face à ce qu’il perçoit comme des dérives répétées : « Nous n’accepterons pas la poursuite de la corruption, et nous ne nous tairons pas devant toute manipulation de l’argent public », a-t-il assuré.

Cette déclaration s’inscrit dans un contexte politique sensible, où les autorités sont régulièrement interpellées sur leur capacité à traduire en actes les engagements officiels en faveur de la bonne gouvernance. Elle relance également le débat sur l’existence — ou l’absence — de mécanismes juridiques efficaces pour protéger ceux qui dénoncent les abus.

Un test pour l’État de droit

L’affaire Mohamed Ould Ghadda apparaît ainsi comme un test symbolique pour l’État de droit mauritanien. Pour les défenseurs des libertés publiques, la manière dont ce dossier sera traité dira beaucoup de la réalité de la lutte contre la corruption : s’agit‑il d’un combat structurel et impartial, ou d’un slogan politique aux applications sélectives ?

En attendant, la mobilisation politique et citoyenne autour de cette arrestation souligne une attente claire : celle d’une justice perçue comme indépendante, capable de distinguer entre l’auteur présumé d’abus et celui qui en révèle l’existence.

Encadré – Qui est Mohamed Ould Ghadda ?

Ancien sénateur et figure connue de la société civile, Mohamed Ould Ghadda préside l’Organisation pour la transparence Inclusive. Ces dernières années, il s’est illustré par ses prises de position publiques contre la corruption et pour le renforcement des mécanismes de contrôle citoyen. Son arrestation intervient alors qu’il affirmait disposer de documents attestant de dysfonctionnements graves dans l’attribution d’un marché public lié à un laboratoire de la police.

Encadré – Lanceurs d’alerte : un cadre juridique encore fragile

Si la Mauritanie a multiplié les discours officiels en faveur de la bonne gouvernance, la protection juridique des lanceurs d’alerte reste limitée. En l’absence de garanties claires contre les poursuites ou les représailles, la dénonciation de faits de corruption demeure un acte à haut risque. Plusieurs organisations de défense des droits humains estiment que cette situation freine la révélation des abus et affaiblit la lutte contre l’impunité.

Un message au-delà d’Atar

Le choix d’Atar pour cette déclaration n’est pas anodin. En s’exprimant depuis l’intérieur du pays, Hamadi Ould Sidi Mokhtar adresse un message qui dépasse les cercles politiques de Nouakchott. Il cherche à inscrire la question de la corruption dans une préoccupation nationale, touchant directement le quotidien des citoyens et les inégalités territoriales.

Entre volonté affichée et perception publique

L’affaire pose une question centrale : comment concilier l’affichage politique de la lutte contre la corruption avec des pratiques perçues comme dissuasives pour ceux qui dénoncent les abus ? Pour de nombreux observateurs, la crédibilité des institutions se joue précisément dans ces dossiers sensibles, où l’indépendance de la justice est scrutée avec attention.

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