Crise foncière à Aéré Mbaré : une injustice héritée de 1989 menace la cohésion nationale
Aéré Mbaré fait face à un grave conflit foncier hérité de 1989. Spoliations, décisions arbitraires et tensions communautaires menacent aujourd’hui la cohésion nationale. Analyse d’une crise ignorée qui interpelle l’État à la veille du dialogue national.

La commune d’Aéré Mbaré, dans le département de Bababé, se trouve aujourd’hui au cœur d’un contentieux foncier d’une rare intensité, révélateur des fragilités structurelles de la gouvernance territoriale en Mauritanie. Les litiges actuels s’enracinent dans les traumatismes de 1989, lorsque des citoyens mauritaniens furent déportés de force de l’autre côté du fleuve Sénégal. Ces déplacements brutaux ont généré un désordre profond : biens pillés, terres spoliées et réattribuées de manière arbitraire, notamment à certaines populations haratines. Sidérées, vulnérabilisées et craignant de nouvelles expulsions, les familles concernées ont longtemps été réduites au silence.
Pourtant, ceux qui connaissent l’histoire longue des liens familiaux, culturels et économiques unissant les populations des deux rives — et qui savent que ces terres ont toujours constitué des biens communs, partagés et gérés collectivement saisissent la portée réelle de l’injustice actuelle. La rupture imposée par les événements de 1989 n’a jamais aboli les droits coutumiers légitimes des propriétaires mauritaniens. Les faits sont clairs, les droits aussi.
Depuis plus de trois décennies, une tension latente et douloureuse persiste. Et ce qui accentue cette crise, c’est le rôle de certaines autorités locales et administratives qui, souvent avec la complicité tacite de l’État, refusent encore de restituer ces terres à leurs détenteurs légitimes. Une administration locale fondée sur l’arbitraire alimente non seulement les injustices, mais génère un cycle de méfiance institutionnelle qui délégitime l’autorité publique et compromet durablement la stabilité des communautés. Les récents compromis tordus élaborés au profit exclusif d’un seul groupe en sont une illustration flagrante.
J’en appelle donc à l’État, à la veille du futur dialogue national, de prendre au sérieux cette question foncière qui mine insidieusement notre cohésion sociale et nationale. Un climat serein doit être rétabli au sein de ces communautés qui n’aspirent qu’à vivre ensemble, comme elles l’ont fait jadis dans la solidarité, la confiance et l’harmonie des relations interrives.
Un tel dévoiement de la fonction administrative n’est pas seulement une faute politique : c’est une atteinte directe aux principes de justice, d’égalité et de cohésion nationale. Il devient alors urgent que les plus hautes autorités reprennent ces dossiers en main avec rigueur, impartialité et sens de l’État. Restaurer la justice foncière, réhabiliter les propriétaires coutumiers et reconnaître l’histoire partagée des deux rives n’est pas une option : c’est un impératif moral, juridique et politique.
Un État qui se respecte agit avec équité. Un État qui veut être respecté doit rendre à César ce qui appartient à César avant qu’il ne soit trop tard.
12/12/2025
Mamadou Moustapha Bâ



