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Nos langues valent mieux que nos complexes

Mansour LY- Nos langues valent mieux que nos complexes
Depuis quelque temps, un jeune chroniqueur sénégalais, Abdou NGER, occupe une place singulière dans les médias et sur Internet. Je l’ai découvert récemment à la télévision, et son aisance intellectuelle m’a frappé dès les premières minutes.Rien dans son style ne cherche l’effet, rien ne force l’admiration. Et pourtant, il parvient, en s’appuyant exclusivement sur sa langue maternelle le wolof, celle de Kocc Barma à expliquer, avec une clarté désarmante, des concepts que bien des juristes peinent encore à rendre intelligibles en français.

Ce décalage dit quelque chose de profond. Il rappelle que la langue n’est pas seulement un outil, mais un territoire de pensée, un espace de transmission, parfois même un refuge contre l’arrogance du “savoir savant”. Lorsqu’un jeune chroniqueur réussit, dans une langue non hégémonique, à rendre limpide ce que d’autres enveloppent dans une technicité inaccessible, il montre que la valeur du savoir réside moins dans sa forme que dans sa capacité à circuler.Par ailleurs, ce phénomène nous oblige à sortir d’un réflexe tenace consistant à croire que seules les langues dites “dominantes” seraient capables de porter la complexité. C’est inexact. Le pulaar, le wolof, le soninké, le hassanya, le bambara et tant d’autres langues africaines recèlent des systèmes de sens, des logiques fines et des nuances que l’école n’a que trop rarement pris le temps de valoriser.

En vérité, une langue n’a d’autorité que si elle permet de transmettre, de faire circuler le savoir, de créer un lien entre celui qui comprend et celui qui cherche à comprendre. Le reste l’obsession d’imposer une langue unique ou la tentation d’en faire un instrument de hiérarchie sociale relève davantage de la domination que de la pédagogie. C’est d’ailleurs dans ce glissement que naissent les fractures.

Le cas Abdou NGER rappelle simplement qu’une langue vit quand elle enseigne. Elle s’élève quand elle éclaire. Elle s’impose naturellement lorsqu’elle permet à un peuple de se comprendre lui-même.Dès lors, le débat se situe ailleurs. Comment faire pour que nos langues nationales ne soient plus seulement des marqueurs identitaires, mais aussi des véhicules de science et de pensée, en complément et non en opposition aux langues internationales ?

C’est cette question qu’il faudrait affronter calmement, sans crispation, et surtout sans transformer la diversité linguistique en champ de bataille symbolique. Parce qu’au fond, le savoir trouve toujours sa langue. À nous de veiller à ne pas lui fermer les portes.

Mansour LY -le 7/11/2025

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