Sahara Occidental : Le silence de la Mauritanie… manquement moral ou calculs politiques ?

Sahara Occidental
Par Dr. Mohamed Aly El Hachemy*
La dernière résolution du Conseil de sécurité n’a rien accordé au Maroc de ce qu’il essaie de promouvoir, et ne lui a donné aucune légitimité politique ou juridique. Elle a simplement reclassé l’« Autonomie » comme l’une des propositions possibles, sans plus, la plaçant à un niveau inférieur pour qu’une solution définitive puisse être bâtie dessus. Elle a maintenu le principe directeur du conflit tel qu’il a toujours été : l’autodétermination est la seule voie reconnue internationalement.
Tout ce que le Makhzen a fait est d’essayer de pervertir le sens, et d’exagérer une phrase diplomatique passagère en une « victoire » qui n’existe que dans les médias qu’il a achetés avec de l’argent politique. Le document des Nations Unies n’a absolument pas considéré l’autonomie comme une solution, mais l’a placée aux côtés d’autres propositions, et a stipulé que toute solution doit respecter la volonté du peuple sahraoui. Cette seule condition fait tomber les ambitions expansionnistes du Maroc et ramène le débat à ses fondements : la terre appartient à ses habitants et non à celui qui possède le tapage médiatique.
L’autonomie dans sa forme actuelle n’est qu’une formule de domination enveloppée d’un langage doux, qui n’accorde ni souveraineté ni pouvoir de décision au peuple sahraoui, et maintient les ficelles du pouvoir entre les mains d’une seule entité qui contrôle la terre, la richesse et les habitants. C’est une proposition née incomplète et qui le reste, car elle ignore les droits historiques et juridiques, et traite une communauté entière comme une simple annexe administrative. Quiconque comprend le droit international sait que ce type de proposition ne résiste pas au principe de décolonisation, ni aux épreuves de la légitimité à long terme. Imposer une solution unilatérale est une recette toute faite pour reproduire le conflit, et non pour y mettre fin.
L’autodétermination est la seule solution viable. C’est la solution qui redonne la décision au peuple qui a payé le prix du conflit, et c’est la solution que choisissent les Nations Unies lorsqu’elles veulent mettre fin à un conflit et non le reporter. La société sahraouie n’accepte plus que d’autres parlent en son nom, ni que son avenir se transforme en un marché politique. Et toutes les expériences mondiales démontrent que les solutions qui ignorent la volonté des peuples explosent tôt ou tard. Le Makhzen le sait bien, et c’est pourquoi il essaie de contourner le référendum par tous les moyens, de l’absurdité diplomatique au matraquage médiatique.
Et la Mauritanie n’est pas en dehors de cette question. Ses relations avec le Sahara Occidental ne sont pas seulement des relations de voisinage, mais des relations de sang, de parenté, de liens familiaux et d’une histoire commune. Se tenir aux côtés du peuple sahraoui n’est pas une aventure politique, mais un devoir moral avant d’être une position diplomatique. Quant à parler d’« équilibre entre les deux parties », cela a été usé et dépassé par les événements. En effet, la Mauritanie ne peut se tenir à la même distance entre un peuple avec lequel nous sommes liés par des liens de parenté et un État dont l’histoire avec nous n’a jamais été honorable, et dont le dernier exemple remonte aux événements de 1989. Le Maroc ne nous a offert que la menace d’expansion quand il le peut, la pression quand il ne peut pas s’étendre, la confusion politique et économique quand il échoue totalement, et le meurtre de nos enfants à la frontière. L’expérience de décennies de tension suffit à montrer que compter sur les intentions marocaines et leur faire confiance n’est qu’une illusion politique.
Et si le silence officiel est compréhensible du point de vue de la gestion des équilibres, le silence des médias n’est ni compréhensible, ni acceptable, ni justifié. Ce qui se passe sur la scène médiatique mauritanienne au cours des derniers mois est un scandale retentissant : achat de positions, pots-de-vin déguisés, transferts financiers, publicités sélectives et musellement organisé des voix non soumises. L’affluence anormale autour de certaines institutions n’est pas un phénomène économique, mais un indicateur d’une vague d’injection de fonds dont l’objectif clair est que les médias mauritaniens restent soit dépendants du Makhzen, soit effrayés par lui. Certaines chaînes et sites parlent davantage du Maroc que de la Mauritanie, et certains journalistes se comportent comme des employés de la cour de Rabat et non comme ceux des institutions de leur propre pays.
Ce ne sont pas des pratiques normales, ni une compétition médiatique honnête, mais une opération d’achat systématique des consciences. Et c’est là qu’apparaît la responsabilité des plumes libres, des écrivains, des blogueurs et des intellectuels. Ce qui est requis maintenant n’est pas de commenter ou d’hésiter, mais une position claire qui nous honore : démasquer ces pratiques, analyser honnêtement le document des Nations Unies, clarifier que l’autonomie n’est pas contraignante et que l’autodétermination n’est pas un slogan mais un droit légal. Il faut que l’indépendance de la parole soit restaurée, que l’hégémonie de l’argent venant de l’étranger soit brisée et que le débat soit rouvert à voix haute, sans rien craindre.
Il est temps de dire la vérité sans fard : le Maroc n’a rien gagné, l’autonomie n’est pas une solution, et le Makhzen n’hésite pas à acheter tous ceux qui se taisent et à faire pression sur tous ceux qui parlent. Le peuple sahraoui est la seule partie qui possède le droit, et la Mauritanie est le seul État qui lui est lié par des liens qui ne peuvent être ni achetés ni modifiés. La bataille d’aujourd’hui n’est pas tant entre des États qu’une bataille entre le droit et l’argent, entre la justice et la propagande, entre une histoire commune et une expansion sans limites. Et celui qui trahit sa voix aujourd’hui se retrouvera demain en dehors de l’histoire.
Mohamed Aly El Hachemy
*Ecrivain mauritanien



