L’État profond du Sénégal est plein d’intelligence.

Sénégal – En 1962, une crise politique a opposé le président du Conseil Mamadou Dia au président de la République Léopold Sédar Senghor. Toute sa vie, le juge Kebe Mbaye, ancien président de la Cour suprême et ancien président du Conseil constitutionnel du Sénégal, a été bouleversé par cette rupture. Regrets tout à fait légitimes, sans aucun doute. En effet, jusqu’à cette date, le Sénégal était préservé de l’ethnicisme, et la rivalité entre les partisans de Mamadou Dia, en particulier les Poulo-Toucouleurs, et les autres ethnies rassemblées derrière Senghor ne faisait rien pour arranger les choses.
En outre, la France avait un fort attachement à la stabilité de son protégé ouest-africain, contrairement à la Guinée, où le général De Gaulle était en colère contre le président Sékou Toure, qu’il avait tenté de renverser en utilisant des Peuls lors de l’opération ‘Persil’.
Il était donc vital de trouver rapidement une échappatoire, un pays voisin pour lui ‘’filer la crève’’.
C’est à ce moment précis que l’État profond du Sénégal, soutenu par les services secrets français, champions incontestés de la prospective nuisible et des subterfuges à retardement, désigna la jeune Mauritanie comme le lieu d’une crise interethnique insurmontable et aux rebondissements infinis. Ce sera la crise des Peuls avec le pouvoir mauritanien, connue sous le nom de ‘la question nationale’ ou de ‘la question linguistique’’.
Ainsi, il a été demandé à l’élite politique négro-mauritanienne et à tous les honorables correspondants du Sénégal et de la France au ‘’pays des Maures’’ de ne jamais admettre l’enseignement obligatoire de la langue arabe.
Le président Mokhtar Ould Daddah a décrit dans ses mémoires la première crise scolaire de 1966, qui a été déclenchée par la programmation de deux heures d’arabe à l’école de la République. Et selon ses Renseignements généraux, les agitateurs étaient en relation avec l’ambassade de France à Nouakchott.
Bien joué ! La paix règnera au Sénégal, avec moins de tension ethnique, alors que la Mauritanie sera confrontée à une spirale sans fin et sa cohésion nationale sera constamment menacée en raison de son identité arabe.
Il est impossible pour quiconque aujourd’hui de nier que notre crise n’est pas identitaire ?
Qui peut nous expliquer honnêtement pourquoi tous les États arabes ne voulaient pas de l’indépendance de la Mauritanie, alors que le Sénégal et la France y tenaient catégoriquement ?
La suite des événements est la clé pour tout comprendre.
Pour les nationalistes pulaars, l’arabité exclusive de la Mauritanie est hors de question. Il leur est également impossible d’accepter l’arabe comme langue officielle unique.
Le Sénégal revendique également la double identité de la Mauritanie. C’est un pilier majeur de sa doctrine politique et de sa profondeur stratégique.
Et la Mauritanie, elle, est plongée dans une crise ethnique inextricable qui perdure depuis soixante ans.
Ely Ould Sneiba
Le 20 décembre 2025



