Vers un apaisement politique en Mauritanie : signaux du pouvoir et témoignage de Yahya Ould Hademine
La Mauritanie semble entrer dans une phase d’apaisement politique. Entre nominations stratégiques, signaux d’ouverture du président Ghazouani et l’interview de Yahya Ould Hademine saluant Mohamed Ould Abdel Aziz, le pays retient son souffle.
Vers un apaisement politique ?
Entre confidences d’anciens responsables et signaux venus du sommet de l’État, la Mauritanie retient son souffle
Le paysage politique mauritanien semble traverser une phase de recomposition subtile, marquée par des gestes symboliques, des nominations stratégiques et des prises de parole inhabituelles. Selon un médecin contacté par nos soins, observateur averti de la scène publique, plusieurs événements récents indiqueraient que le pays s’achemine vers un relatif apaisement, après des années de tensions exacerbées autour du procès de l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz.
Le départ du ministre de la Justice, la rencontre au sommet entre le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani et deux figures influentes – Isselkou Ould Izidbih et Cheikh Ould Baya –, mais aussi la nomination du général Ould Lahreitani très proche d’Aziz, sont perçus comme autant de signaux d’un climat politique en voie de décrispation. Pour certains, ces gestes ouvriraient même la voie à une éventuelle libération de l’ancien chef de l’État, dont le procès, largement suivi par l’opinion, a souvent été jugé par ses partisans comme ayant une dimension éminemment politique.
La voix de Yahya Ould Hademine : une franchise rare
C’est dans ce contexte qu’est intervenue l’interview de l’ancien Premier ministre Yahya Ould Hademine, accordée au site Mourassiloune. L’entretien a frappé par sa tonalité : loin des détours rhétoriques, l’ex-chef du gouvernement a choisi de livrer une expérience personnelle empreinte de franchise et de dignité.
Assumant sans détour ses choix et ses responsabilités, il a défendu son parcours politique et administratif en soulignant une ascension « fondée sur la compétence et non sur le favoritisme ». À contre-courant d’un discours souvent marqué par l’amertume des anciens responsables écartés, Ould Hademine a insisté sur la valeur de la loyauté institutionnelle. Tout en rappelant son soutien à la candidature de Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, il a écarté toute idée de querelle personnelle et rendu hommage à ses anciens collègues, appelant à dépasser les rancunes politiciennes.
Dans une séquence particulièrement remarquée, Yahya Ould Hademine n’a pas manqué de saluer l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz, qu’il a décrit comme un leader charismatique et déterminé. Selon lui, l’ex-chef de l’État a su, durant son mandat, imposer une vision claire et affirmer une autorité qui ont marqué durablement la scène politique nationale. Ces propos, perçus par certains comme une réhabilitation symbolique, pourraient contribuer à revaloriser l’image d’un homme aujourd’hui rattrapé par la justice.
Sa critique du fonctionnement de la commission parlementaire – qu’il accuse d’avoir été instrumentalisée pour régler des comptes – résonne comme un avertissement : les institutions risquent de perdre en crédibilité si elles se transforment en arènes de vengeance plutôt qu’en espaces de régulation démocratique.
Un témoignage politique qui interpelle
Au-delà des souvenirs d’un homme d’État, l’entretien d’Ould Hademine a valeur de document politique. Il rappelle l’importance des récits des anciens premiers ministres, souvent relégués à la marge après leur passage au pouvoir, mais qui conservent une mémoire précieuse du fonctionnement de l’État.
Son témoignage s’inscrit dans une volonté de transmission : donner des clés de lecture aux citoyens, prodiguer des conseils pratiques au gouvernement, et surtout replacer le débat politique dans le registre de la responsabilité plutôt que dans celui de l’affrontement. Dans un pays où la méfiance à l’égard de la classe dirigeante reste forte, cette parole résonne comme un appel à la réhabilitation de la fonction publique et à une gouvernance centrée sur la compétence.
Une Mauritanie en quête de respiration politique
Pris isolément, ces événements pourraient paraître anecdotiques. Mais ensemble, ils dessinent les contours d’une séquence nouvelle. Le président Ghazouani, réputé pour son style discret et pragmatique, semble chercher à renouer les fils du dialogue politique. Les prises de parole de figures de l’ancien régime, comme Yahya Ould Hademine, ajoutent une couche de complexité mais aussi d’espoir : celle d’une parole politique qui, sans renier le passé, s’autorise à envisager l’avenir avec plus de sérénité.
La question demeure : ces gestes d’ouverture et de réconciliation relèvent-ils d’une stratégie durable ou d’une manœuvre ponctuelle pour désamorcer les tensions ? Dans un pays marqué par une mémoire politique chargée et des fractures sociales profondes, l’apaisement reste fragile. Mais les signaux envoyés ces dernières semaines invitent à l’optimisme prudent : la Mauritanie pourrait, peut-être, entrer dans un cycle où le dialogue prendrait le pas sur l’affrontement judiciaire et politique.
Ahmed Ould Bettar