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Reconnaissance de la Palestine : héritage historique, impuissance internationale et nécessité de sanctions

Un siècle de dépossession palestinienne. La reconnaissance internationale, sans sanctions, reste impuissante face aux violations israéliennes.

Portrait de Cheikh Sidati Hamadi, expert en droits et analyste, auteur d’un article sur la démocratie sélective en Mauritanie.
Cheikh Sidati Hamady – Expert senior en droits, chercheur associé, analyste, essayiste- La reconnaissance internationale, sans sanctions, reste impuissante face aux violations israéliennes.

Reconnaissance de la Palestine Par : Cheikh Sidati Hamady

Expert Senior eb Droits des CDWD, Chercheur associé, Analyste, Essayiste.

Le 25 Septembre 2025

La situation palestinienne contemporaine résulte d’un siècle de décisions politiques, de conflits et de violations systématiques de droits, qui marquent chaque jour la vie de millions de Palestiniens. Tout commence avec la Déclaration Balfour de 1917, par laquelle le Royaume-Uni promettait un foyer national juif en Palestine sans consulter ses habitants, semant les graines d’un déséquilibre durable. Durant le mandat britannique (1920-1948), l’immigration juive fut favorisée et les terres palestiniennes progressivement spoliées. La Nakba de 1948, « catastrophe », marqua l’exode forcé de plus de 700 000 Palestiniens, victimes de violences militaires et d’expulsions ciblées. Selon l’historien Benny Morris (The Birth of the Palestinian Refugee Problem, 1947-1949, 2004), cet exode résulta d’une combinaison de stratégies militaires et de campagnes de peur, conduisant à la destruction de villages et à la fragmentation durable de la société palestinienne (Morris, 2004).

La guerre des Six Jours en 1967 (ONU) aggravera cette dépossession, avec l’occupation de la Cisjordanie, de Gaza et de Jérusalem-Est, en dépit des résolutions 242 et 2334 (résolution 242, résolution 2334). Selon la Déclaration de Montevideo de 1933, un État doit disposer d’une population permanente, d’un territoire défini, d’un gouvernement effectif et de la capacité d’entrer en relations internationales. La Palestine remplit partiellement ces conditions : ses institutions et sa population existent, mais le contrôle de son territoire demeure fragmenté et subordonné à la tolérance d’Israël, illustrant que la seule reconnaissance diplomatique ne garantit pas une souveraineté réelle et effective.

1. Une reconnaissance internationale massive mais impuissante.

Aujourd’hui, plus de 154 États membres de l’ONU reconnaissent officiellement la Palestine (UN Data), de l’Asie à l’Afrique, de l’Europe à l’Amérique latine. Parmi eux, des puissances majeures comme le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie, le Portugal et la France le 22 septembre 2025 (Le Monde, 2025) offrent à la Palestine une légitimité diplomatique et symbolique indéniable. Pourtant, cette reconnaissance reste largement inefficace sur le terrain : elle n’est pas accompagnée de sanctions ou de mesures concrètes pour modifier la réalité du contrôle israélien sur les territoires occupés. Comme le souligne Khaled Kattan, professeur de droit international à Cambridge, sans pression réelle, Israël consolide ses faits accomplis malgré les violations répétées du droit international (Kattan, 2020).

2. L’impuissance du monde face à Israël : causes, mécanismes et enjeux géopolitiques

L’incapacité internationale à protéger les Palestiniens résulte d’une combinaison complexe de facteurs géopolitiques, économiques, militaires et institutionnels. Israël bénéficie d’une supériorité militaire décisive, grâce à près de 3,8 milliards de dollars d’aide militaire annuelle des États-Unis (SIPRI, 2023), qui lui assurent un accès constant aux technologies avancées, à l’armement et à la formation. Ce soutien est renforcé par la protection diplomatique américaine, notamment l’usage régulier du veto au Conseil de sécurité, neutralisant toute résolution contraignante.

Malgré la part importante de l’Europe dans le commerce extérieur israélien (36 % selon la Commission européenne, 2023), l’influence économique reste limitée en raison des divisions entre États, certains favorisant la pression diplomatique et d’autres s’opposant à toute sanction, ce qui paralyse la cohérence européenne (ECFR, 2024). Les institutions internationales disposent de cadres juridiques, mais manquent de moyens coercitifs. Les résolutions 242 et 2334, bien qu’importantes symboliquement, ne prévoient pas de mécanismes d’application contraignants, et l’influence des lobbies pro-israéliens, combinée aux intérêts géopolitiques régionaux et mondiaux, réduit davantage la capacité d’action.

La complexité géopolitique du Moyen-Orient accentue cette impuissance. La région constitue un terrain stratégique où se croisent rivalités régionales et alliances internationales. La dépendance énergétique mondiale, les tensions entre grandes puissances et la crainte d’un vide sécuritaire limitent la volonté d’imposer des sanctions sévères. Israël se positionne comme un allié stratégique de l’Occident, garant de stabilité militaire et technologique, consolidant ainsi son impunité.

Les conséquences pour les Palestiniens sont directes et dramatiques. Le contrôle israélien demeure difficilement contestable, et les habitants subissent violences systémiques, colonisation et blocus. Le monde extérieur, malgré des condamnations répétées, reste spectateur, incapable de traduire la légitimité diplomatique en protection effective. L’expérience sud-africaine montre qu’un régime peut être contraint au changement par une action internationale coordonnée, combinant sanctions économiques, boycotts culturels et pressions diplomatiques (UN General Assembly, 1985). L’impuissance actuelle face à Israël n’est donc pas une fatalité, mais le résultat d’une structure géopolitique et économique complexe, où chaque acteur poursuit ses propres intérêts.

3. Colonisation et violations continues

La colonisation israélienne progresse sans entrave. Plus de 700 000 colons vivent en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, et la zone C, représentant 60 % de la Cisjordanie, reste sous contrôle total israélien. En 2023, 1 119 structures palestiniennes ont été démolies, provoquant le déplacement de milliers de familles, en violation de la Quatrième Convention de Genève (1949).

4. Gaza : blocus, crise humanitaire et violences systémiques

Depuis 2007, Gaza subit un blocus complet, isolant ses 2,2 millions d’habitants. Pénuries alimentaires, accès limité à l’eau potable et aux soins, coupures fréquentes d’électricité et chômage massif (Banque mondiale, 2023) rythment le quotidien. 80 % de la population dépend de l’aide humanitaire (UNRWA), tandis que les offensives israéliennes ont causé plus de 23 000 victimes civiles en 2023 (OCHA) et que Human Rights Watch, 2023 documente des violations systématiques du droit international humanitaire.

5. Leçons de l’Afrique du Sud : sanctions et pressions efficaces

L’expérience sud-africaine démontre qu’une action internationale coordonnée peut transformer un rapport de force inégal. Entre 1985 et 1994, sanctions économiques, boycotts culturels et pressions diplomatiques ont été décisifs pour mettre fin à l’apartheid (UN General Assembly, 1985). Pour la Palestine, la reconnaissance diplomatique doit être accompagnée de sanctions et de pressions internationales coordonnées pour que ses droits deviennent effectifs et que l’impunité israélienne soit limitée.

Conclusion

La reconnaissance de la Palestine constitue un symbole diplomatique majeur, mais elle ne transforme pas la vie quotidienne des Palestiniens. Depuis plus d’un siècle, ils subissent dépossession, occupation et violations systématiques de leurs droits. L’incapacité internationale résulte d’un enchevêtrement complexe : poids militaire d’Israël, soutien américain, divisions européennes, faiblesse du monde arabe et absence de mécanismes coercitifs. L’histoire de l’Afrique du Sud montre que seule une action coordonnée et contraignante peut changer le rapport de force. La Palestine a besoin d’une reconnaissance diplomatique accompagnée de mesures concrètes, incluant sanctions et pressions coordonnées, pour que sa souveraineté devienne effective et que ses droits fondamentaux soient garantis.

Références

  1. Déclaration Balfour, 1917 – Yale University
  2. UNRWA – Réfugiés palestiniens
  3. Guerre des Six Jours, ONU
  4. Résolution 242 (1967) – ONU
  5. Résolution 2334 (2016) – ONU
  6. Déclaration de Montevideo, 1933 – OEA
  7. Commerce UE-Israël – Commission européenne
  8. Colons israéliens – ONU, 2024
  9. OCHA – Démolitions en Cisjordanie, 2023
  10. Quatrième Convention de Genève (1949)
  11. Banque mondiale – Gaza, 2023
  12. Human Rights Watch – Israël/Palestine, 2023
  13. European Council on Foreign Relations, 2024

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