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Le foncier une bombe sociale !

Le foncier en Mauritanie représente une véritable bombe sociale et économique car il met en jeu des intérêts multiples, souvent contradictoires, mobilisant un grand nombre de personnes, d’institutions et de dynamiques locales et nationales.

Ce sujet sensible est au cœur des tensions liées au développement, à la justice sociale et à la gouvernance étatique.

Un héritage historique lourd.
La question foncière en Mauritanie s’inscrit dans une histoire marquée par la coexistence de droits coutumiers traditionnels, de pratiques tribales et de lois modernes. L’opposition entre l’usage communautaire des terres (hérité du système coutumier) et la volonté de l’État d’imposer un cadre légal unifié a créé des chevauchements et des zones grises. Ces ambiguïtés juridiques nourrissent les conflits et la manipulation par des élites locales.

Multiplicité des acteurs et institutions
L’État par le biais du ministère de l’Habitat, de l’Urbanisme et de l’Aménagement du territoire, mais aussi celui de l’Agriculture, joue un rôle central dans l’attribution, la régularisation et la redistribution des terres.

Les collectivités locales interviennent dans la gestion et la délimitation, mais souvent sans moyens solides ni réelle autonomie.
Les populations – paysans, éleveurs, habitants urbains – défendent leurs droits coutumiers ou leurs besoins en logement et en accès aux ressources.
Les investisseurs privés nationaux et étrangers convoitent les terres agricoles ou urbaines, poussant à la spéculation et accentuant les inégalités.
La justice est régulièrement sollicitée pour trancher des différends mais reste accusée d’impartialité fragile, renforçant la méfiance citoyenne.

Urbanisation et spéculation.
Dans les grandes villes comme Nouakchott, Nouadhibou, et Kaédi la pression foncière est énorme. La spéculation immobilière, la multiplication des attributions opaques, les ventes multiples d’un même terrain et l’absence de cadastre fiable alimentent une véritable « économie parallèle du foncier ».
Ce phénomène touche particulièrement les quartiers périphériques où se concentrent les populations vulnérables.

Conflits en zones rurales.
Dans les campagnes, la compétition entre agriculteurs et éleveurs pour l’accès aux terres cultivables et aux pâturages se double parfois de tensions ethniques et sociales. L’introduction de grands projets agricoles financés par des capitaux étrangers vient renforcer ce sentiment de dépossession des communautés locales.

Un enjeu de gouvernance et de stabilité.
Le foncier se présente ainsi comme un système implicite mais extrêmement puissant, qui structure les rapports sociaux et politiques. La difficulté de l’État à harmoniser le droit coutumier et le droit moderne, conjuguée à une gestion souvent marquée par la corruption, fait du foncier une véritable bombe à retardement. Les conflits liés à la terre n’alimentent pas seulement les tensions sociales mais posent aussi des risques pour la cohésion nationale et la stabilité politique.

En Mauritanie, le foncier n’est donc pas seulement une question économique ou juridique : c’est un champ de pouvoir où s’entrelacent intérêts politiques, pressions sociales et spéculations financières.

Le cas de Cheickh Riddah !!

Ces situations se multiplient avec l’arrivée d’investisseurs liés à Nouakchott ou à des capitaux étrangers, ouvrant la voie à un accaparement massif des terres fertiles. Les habitants, comme ceux qui subissent les effets de Cheickh Riddah en ville, constatent que leur droit coutumier et leur présence historique pèsent peu face à l’argent et aux réseaux.

Justice contestée et institutions fragilisées
Les tribunaux, loin de restaurer la confiance, apparaissent eux-mêmes prisonniers du système. Ahmed, avocat spécialisé, estime que : « Le foncier est devenu un domaine où la loi est souvent détournée pour servir des intérêts particuliers. Dans les affaires liées à Cheickh Riddah, la justice n’a jamais pu ou voulu rendre un verdict dissuasif. Cela envoie un message terrible : si vous êtes puissant, vous êtes intouchable. »

Une véritable bombe politique.
Le cas de Cheickh Riddah est emblématique : il révèle à quel point le foncier n’est pas seulement un problème juridique ou technique, mais bien un levier de pouvoir entre les mains de quelques-uns. Chaque maison vendue deux fois, chaque terrain accaparé devient un nouvel acte d’injustice. Et dans un pays marqué par la pauvreté et des inégalités sociales fortes, ces injustices permanentes risquent de dégénérer.

Comme l’explique un observateur de la société civile : « Quand un riche spéculateur comme Cheickh Riddah peut mettre des dizaines de familles à la rue sans conséquence, c’est le contrat social lui-même qui s’effondre. Le foncier devient une poudrière qui menace la stabilité nationale. »

Une urgence de réforme.
Pour éteindre cette bombe, plusieurs experts plaident pour un cadastre national transparent, un gel des attributions opaques et des mesures judiciaires fortes. Mais dans un système où les spéculateurs entretiennent leurs réseaux au sein même des institutions, le chemin sera long.

En attendant, le foncier reste une arme aux mains des puissants, et une source d’angoisse pour les plus vulnérables – symbole des promesses trahies d’un État de droit inachevé. Et chaque nouveau scandale, comme ceux liés à Cheickh Riddah, ne fait qu’accroître la colère d’un peuple déjà éprouvé.

Abdoulaziz DEME le 17 Septembre 2025

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