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Biram et le pouvoir : sortir d’un jeu de dupes dangereux

Biram et le pouvoir
La Mauritanie semble entrée dans une phase critique de sa vie politique, où les affrontements symboliques prennent des allures de bras de fer à ciel ouvert. L’affrontement qui s’aiguise entre le député Biram Dah Abeid, leader de l’Initiative pour la Résurgence du Mouvement Abolitionniste (IRA), et le régime en place, a pris une tournure aussi préoccupante que révélatrice d’une crise politique plus profonde.
Le récent refus des autorités d’autoriser l’accueil de ses partisans à son retour d’Europe, suivi de violences policières provocantes et démesurées, vient confirmer une dynamique où les postures symboliques ont cédé la place à une lutte de survie politique.
Dans ce climat tendu, chaque camp semble engagé dans un jeu de dupes dangereux : Biram Dah Abeid cherche à faire de sa popularité un levier de légitimation, ou, à défaut, à provoquer une erreur du régime pour se poser en victime. Le pouvoir, quant à lui, semble déterminé à étouffer cette montée en puissance et à entraîner l’opposant dans une spirale de confrontation, pour mieux le disqualifier.
Figure majeure de l’opposition, Biram Dah Abeid s’emploie à faire valoir sa légitimité politique à travers sa popularité grandissante, en particulier auprès des couches sociales les plus marginalisées. En se positionnant comme le seul opposant crédible et incontournable, il cherche non seulement à s’imposer sur la scène nationale, mais aussi à gagner la sympathie internationale, souvent plus sensible aux symboles qu’aux complexités locales.
Mais en filigrane, la stratégie est plus fine : forcer le régime à l’excès, le pousser à des réactions disproportionnées — comme ce fut le cas avec la répression de l’accueil prévu à l’aéroport — afin d’apparaître comme victime d’un pouvoir autoritaire, et ainsi renforcer son image de résistant démocrate.
Le pouvoir, de son côté, semble déterminé à endiguer cette montée en puissance. En interdisant les rassemblements, en muselant les manifestations pacifiques et en réprimant avec une brutalité croissante; il cherche à précipiter l’opposant dans une spirale de confrontation, pour mieux le disqualifier aux yeux de l’opinion comme un facteur de désordre. Ce faisant, le régime tente de bâtir le récit d’un homme trop radical, trop clivant, trop dangereux pour le pays, et de préparer les justifications d’une éventuelle marginalisation politique, voire d’une liquidation plus définitive.
Ce qui rend la situation plus explosive encore, c’est la rupture simultanée des équilibres tacites et des arrangements occultes qui, jusque-là, maintenaient un semblant de stabilité. Les deux camps semblent désormais déterminés à aller jusqu’au bout, portés non plus par la logique politique, mais par un instinct de survie, où tout compromis est perçu comme une faiblesse, et où la défaite de l’un devient la condition de la survie de l’autre.
Dans cette impasse dangereuse, il devient crucial de rappeler que si Biram Dah Abeid est dans son bon droit en réclamant l’exercice de ses libertés publiques et politiques – droits garantis par la Constitution – il lui appartient aussi, en homme d’État, de ne pas se laisser piéger par la provocation, même quand celle-ci est manifeste.
Car le régime en perte de perspectives, s’il pousse à l’irréparable, n’en portera pas seul la responsabilité. Toute déstabilisation nationale, toute escalade incontrôlée, pèsera sur l’ensemble des acteurs politiques, et surtout sur les citoyens ordinaires, fatigués d’être les otages d’ambitions rivales.
Le duel politique entre Biram Dah Abeid et le régime ne peut plus être traité comme un simple affrontement personnel ou partisan. Il s’agit d’un moment charnière pour la démocratie mauritanienne, un test de maturité pour ses institutions, et un révélateur des fragilités profondes du contrat politique.
Dans ce jeu de dupes, où chacun croit maîtriser les règles, c’est la nation entière qui risque d’être perdante. Il est temps pour les responsables, de tous bords, de substituer à la logique de confrontation une culture du dialogue, du respect mutuel et de la responsabilité nationale.
Car dans une démocratie véritable, ni la popularité, ni la force ne peuvent justifier l’anéantissement de l’autre. Il est encore temps de rompre avec les calculs destructeurs pour réhabiliter le dialogue politique comme instrument de paix et de progrès.
Le 16 Septembre 2015
MOHAMED DAOUD IMIGINE

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