Les pompiers pyromanes – Par Sy Mamadou
Les pompiers pyromanes
Pompiers pyromanes
1. Sur l’accusation d’incitation à la haine raciale
• Contradiction majeure : l’organisation reproche à Biram de dénoncer des meurtres fondés sur l’identité et la couleur de peau. Or, nier ou criminaliser cette dénonciation revient implicitement à nier l’existence de crimes racistes et de violences identitaires, pourtant documentées par des ONG internationales (Amnesty International, Human Rights Watch, rapporteurs de l’ONU).
• Point de droit : qualifier de “haine raciale” une dénonciation des discriminations revient à inverser les rôles : la victime et le lanceur d’alerte deviennent les coupables, tandis que les faits dénoncés sont occultés. En droit international, protéger la liberté d’expression des minorités et des défenseurs des droits humains est un principe consacré (Déclaration de l’ONU sur les défenseurs des droits de l’Homme, 1998).
• Contre-argument : ce n’est pas lutter contre la haine que de réduire au silence ceux qui dénoncent les inégalités structurelles. C’est au contraire la véritable incitation à la haine que de maintenir un déni institutionnel.
2. Sur l’accusation de diffamation et de “fausses nouvelles”
• Problème de preuve : l’organisation ne démontre pas en quoi les propos de Biram seraient faussement diffamatoires. Or, en matière de diffamation, la charge de la preuve incombe à celui qui accuse.
• Références historiques : les événements de 1989–1991 (déportations massives, exécutions sommaires, spoliations foncières, massacres de militaires négro-mauritaniens) sont largement reconnus et documentés, même si l’État refuse une reconnaissance officielle. En parler n’est pas “diffuser de fausses nouvelles”, mais rappeler une mémoire occultée.
• Contradiction politique : on invoque la “diffamation contre l’État” alors que Biram parlait de faits concrets touchant des citoyens. L’État n’est pas une personne privée pouvant revendiquer un “préjudice moral” de ce type : c’est une confusion volontaire entre image du régime et intérêt général.
3. Sur l’atteinte à l’unité nationale
• Renversement rhétorique : l’unité nationale ne se construit pas sur le silence, mais sur la reconnaissance des injustices et la réconciliation. Faire taire ceux qui dénoncent les fractures, c’est en réalité aggraver la division.
• Précédents africains : au Rwanda, au Burundi, au Soudan, en Côte d’Ivoire, le refus de reconnaître les discriminations ethniques et les violences a toujours conduit à l’explosion. Le vrai danger pour l’unité nationale est le déni institutionnel, pas la parole critique.
• Contre-argument politique : Biram ne crée pas la division, il la décrit. C’est comme accuser un médecin de “causer la maladie” parce qu’il diagnostique un cancer.
4. Sur la demande de levée de l’immunité parlementaire
• Instrumentalisation politique : cette demande vise clairement à neutraliser un adversaire politique par la voie judiciaire. L’immunité parlementaire existe précisément pour protéger la liberté d’expression des députés dans l’exercice de leur mandat.
• Violation du principe démocratique : si chaque critique du pouvoir est assimilée à une “atteinte à l’unité nationale”, alors le Parlement devient un espace vide, réduit au silence.
5. Sur le “préjudice moral infligé à l’État et au peuple”
• Contradiction logique : comment un discours peut-il nuire “au peuple mauritanien” alors qu’il porte sur des crimes subis par une partie de ce même peuple ? Ce sont les victimes qui subissent un préjudice, pas “l’État” qui refuse de reconnaître leurs souffrances.
• Détournement rhétorique : l’État se présente comme victime morale pour masquer son rôle de bourreau ou de complice par omission.
Cette plainte :
• n’est pas une défense de l’unité nationale, mais une tentative de museler une voix dissidente ;
• inverse les rôles entre victimes et coupables, entre lanceurs d’alerte et fauteurs de haine ;
• illustre l’usage récurrent de la justice mauritanienne comme arme politique contre l’opposition.
En réalité, le véritable enjeu est politique : les pompiers pyromanes, il s’agit de tester un scénario de neutralisation progressive de Biram Dah Abeid, en l’exposant à des procédures judiciaires pouvant mener à sa disqualification électorale …..Wetov
Sy Mamadou