« La question harratine : un mépris dissimulé »
« La question harratine : un mépris dissimulé »
Il faut être clair et sans détour : affirmer ou laisser croire que la question harratine n’existe que parce que les Négro-mauritaniens la portent est, en soi, une insulte. C’est du mépris, pur et simple.
C’est considérer que les Haratines sont incapables de penser par eux-mêmes, incapables de prendre conscience de leur condition, incapables de porter leurs propres revendications. C’est nier leur intelligence, leur histoire, leur dignité et leur combat.
Non. Les Haratines n’ont pas besoin que d’autres pensent à leur place. Leur lutte est ancienne, enracinée dans leur vécu, dans leur chair. Ce sont eux qui ont subi l’esclavage, l’exploitation, l’humiliation sociale. Ce sont eux qui, depuis des décennies, élèvent la voix, dans la rue, dans les mosquées, dans les champs, et jusque dans l’arène politique, pour réclamer l’égalité et la reconnaissance.
Réduire cette lutte à une simple « récupération » par d’autres composantes, c’est une manière subtile de les infantiliser, de les déposséder de leur parole, de les transformer en simples figurants de leur propre drame. C’est une continuité de l’esclavage mental : vous souffrez, mais d’autres parleront à votre place.
La vérité est que la question harratine est une question nationale, fondamentale, qui interpelle toute la société mauritanienne. Elle est portée par les Haratines eux-mêmes, avec leurs intellectuels, leurs militants, leurs leaders, leurs martyrs. Qu’elle trouve des échos et des alliés chez les Négro-mauritaniens est une chose naturelle et nécessaire — car la lutte contre l’injustice ne connaît pas de frontières ethniques. Mais prétendre que sans les Négro-mauritaniens cette question n’existerait pas, c’est une négation de l’évidence et un mépris insultant.
Les Haratines ne sont pas des mineurs politiques. Ils sont sujets de leur propre histoire, acteurs de leur propre libération. Les réduire à une cause « importée » ou « portée par d’autres » revient à les nier, à prolonger leur marginalisation.
La dignité harratine ne se quémande pas, elle s’impose par la force de la vérité, par la légitimité de leur lutte et par l’évidence de leur humanité.
Wetov.
Sy Mamadou