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Dialogue ou piège ? Le spectre du troisième mandat en Mauritanie

Dialogue ou piège ? Le spectre du troisième mandat en Mauritanie

Troisième mandat
Juridiquement, la Constitution mauritanienne est claire : deux mandats maximum, pas plus. Cette règle, introduite en 2006, visait à mettre fin aux cycles de confiscation du pouvoir et à installer une respiration démocratique.

Or, aujourd’hui, certains insinuent que ce texte pourrait être « ajusté ». Après tout, disent-ils, il a déjà été modifié par le passé. Pourquoi pas un nouveau référendum ? Pourquoi pas une « adaptation aux réalités du pays » ? C’est là que le dialogue national risque de se transformer en piège : présenté comme un espace inclusif, il pourrait en réalité servir à légitimer une prolongation du pouvoir en place.

Les précédents africains : un scénario connu

L’histoire récente du continent montre que la tentation du troisième mandat suit un scénario bien rodé :
• Côte d’Ivoire : Alassane Ouattara avait promis en 2010 et en 2015 de respecter la limite des deux mandats. Pourtant, en 2020, il se présente pour un troisième mandat, en s’appuyant sur la « nouvelle Constitution » adoptée en 2016. Résultat : violences, morts et une crise politique toujours ouverte.

• Guinée-Conakry : Alpha Condé, opposant historique, élu en 2010, avait juré de ne jamais toucher à la Constitution. En 2020, il organise un référendum pour « refonder la République ». En réalité, il voulait remettre les compteurs à zéro et s’offrir un troisième mandat. La contestation fut sanglante, et Condé finit renversé par un coup d’État militaire en 2021.

• Congo-Brazzaville, Togo, Cameroun, Ouganda : même logique. Soit on supprime purement et simplement la limite des mandats (Museveni, Biya), soit on joue sur l’ambiguïté d’une nouvelle Constitution censée « moderniser » les institutions mais qui, en réalité, permet de rester indéfiniment au pouvoir (Sassou Nguesso, Gnassingbé).

Dans tous ces cas, le dialogue ou le référendum a servi de paravent.

La mécanique du piège

Le scénario est presque toujours identique :
1. On convoque un dialogue national présenté comme un espace de consensus.

2. On y ajoute des sujets « techniques » : gouvernance, justice, inclusion, réconciliation.

3. Mais derrière cette vitrine, l’agenda caché est la modification constitutionnelle.

Et pour la justifier, on ressort des arguments récurrents :

• « Ce n’est pas un troisième mandat, c’est le premier de la nouvelle Constitution. »

• « La stabilité vaut mieux que l’alternance. »

• « Le peuple décidera par référendum. »

La Mauritanie à la croisée des chemins

Si le dialogue en Mauritanie devait préparer un troisième mandat, il ne serait pas une refondation démocratique mais un outil de confiscation.

• Le risque est double : une crise de légitimité interne (dans un pays où les fractures ethniques, sociales et régionales sont déjà explosives) et un isolement international (car la tendance africaine et internationale est désormais de sanctionner ces dérives).

• Mais l’opportunité existe : apprendre des échecs africains. L’histoire récente montre que la manipulation des Constitutions finit toujours par fragiliser les régimes qu’elle prétendait consolider.

La vraie question n’est donc pas de savoir si la Mauritanie peut « adapter » sa Constitution, mais si elle veut rejoindre le camp des nations qui consolident la démocratie ou celui de celles qui l’affaiblissent.
• Ouattara a fracturé la Côte d’Ivoire.
• Condé a ouvert la voie à son renversement.
• Museveni et Biya sont devenus des caricatures du pouvoir éternel.

À la Mauritanie de choisir si son dialogue sera une renaissance démocratique ou une porte dérobée vers la présidence à vie….wetov

Sy Mamadou

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