Tiébilé Dramé est décédé. Ce qu’on lui doit en Mauritanie
Tiébilé Dramé est décédé. Ce qu’on lui doit en Mauritanie
Je voudrais, comme mon camarade Kaaw Touré, rendre hommage à l’HOMME qui a permis la libération des détenus politiques de la prison mouroir de Oualata et donné une très grande visibilité aux violations massives des droits de l’homme en Mauritanie pendant les années de braise (1986 – 1991). Le présent témoignage confirme celui de Kaaw Touré.
Tiébilé Dramé, décédé ce mardi 12/08/2025 à Paris, c’est Amnesty International siège à Londres, le chef du département Mauritanie – Mali – Sénégal.
Après les arrestations en septembre/octobre 1986 et l’emprisonnement à Oualata de nos camarades suite à la publication du Manifeste du Négro-mauritanien, après plusieurs semaines de résistance à Nouakchott et dans quelques villes, nous avons été contraints à l’exil au Sénégal. Le contact a été établi avec lui à partir de 1986 à Dakar grâce à nos camarades de France.
Très professionnel et rigoureux, il fit un premier déplacement à Dakar en octobre 1986, il me semble. Puis plusieurs autres entre 1986 et 1990. Nous avons eu plusieurs rencontres et mis en place une procédure en rapport avec le statut d’indépendance d’Amnesty International. La confiance s’installa pour toujours. Elle n’a jamais été démentie. Nous, Département de la communication des Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM), collectionnions des informations de terrain vérifiées et validées que nous lui transmettions. Amnesty International les diffusait après vérifications sous formes d’actions urgentes, de déclarations, de rapport annuel.
A partir de 1989, les déportations de plusieurs dizaines de milliers de Noirs mauritaniens au Sénégal et au Mali, ont permis d’ouvrir des portes jusque-là fermées. Grâce à lui en grande partie.
Il multiplia les visites à Dakar, mis en place une Prise en Charge Volontaire téléphonique (PCV) qui nous permettait de joindre gratuitement depuis Dakar son service en urgence. C’est le lieu de rappeler la bonté de notre regrettée Hadia Coumbourou Ly dite Koudy, mère de notre camarade Mamadou Lamine Sakho, qui a mis à disposition son téléphone et sa maison de Sicap Liberté 6. Qu’Allah l’accueille dans son paradis.
Amnesty International était informé en temps réel de toutes les violations des droits de l’homme, des exécutions extrajudiciaires commises en Mauritanie par le régime du sinistre colonel Maawiya Ould Sid’Ahmed Taya. Rien n’échappait à l’opinion internationale. Acculé, privé de financements, devenu infréquentable, le régime de sinistre mémoire du sinistre colonel Maawiya lâcha du lest : transfert des survivants de la prison mouroir de Oualata à Aioun avant leur libération, organisation d’élections en 1992 pour se recycler….
Tiébilé Dramé, ce n’est pas que Amnesty International. L’APA News dresse son portrait
« Tiébilé Dramé, ancien ministre des Affaires étrangères et leader politique du Mali, est décédé le 12 août 2025 à Paris, à l’âge de 70 ans. Sa disparition a été confirmée par des sources proches de la famille.
Né le 9 juin 1955 à Nioro-du-Sahel, Tiébilé Dramé s’est rapidement fait connaître pour son engagement dans la lutte contre le régime autoritaire de Moussa Traoré. Dans les années 70, il fut un militant étudiant actif, un rôle qui le conduisit à plusieurs arrestations sous le régime dictatorial. Il s’exila ensuite en France et en Angleterre, où il collabora avec des organisations internationales comme Amnesty International, dénonçant les violations des droits humains en Afrique de l’Ouest.
À la chute de Moussa Traoré en 1991, Tiébilé Dramé rentra au Mali, où il devint un acteur majeur de la transition démocratique. Il occupa plusieurs fonctions ministérielles, dont celle de ministre des Affaires étrangères entre 2019 et 2020. Il fut également le fondateur du Parti pour la Renaissance Nationale (PARENA), un parti politique axé sur la promotion de la démocratie et de la transparence.
Tout au long de sa carrière, Tiébilé Dramé a plaidé pour des élections libres, transparentes et régulières. Son engagement pour la réconciliation nationale et la consolidation des institutions démocratiques lui a valu une place importante dans le paysage politique malien. Il a également été un fervent défenseur de la lutte contre la corruption et de la mise en place de réformes politiques visant à garantir une meilleure gouvernance.
Son héritage politique restera marqué par son rôle de défenseur des droits humains, de la liberté d’expression et de la démocratie dans un pays traversé par des défis institutionnels. Bien que sa disparition laisse un vide dans la politique malienne, son influence perdurera à travers les principes qu’il a défendus…. »
Nous adressons à son épouse, à sa famille et au peuple malien nos condoléances les plus attristées. Qu’Allah l’accueille dans son paradis.
Fraternellement. Respectueusement.
Ciré Ba – Paris, le 12/08/2025