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Mbarek Ould Beyrouk : le gardien d’âmes du désert mauritanien

Portrait de Mbarek Ould Beyrouk, écrivain mauritanien primé, dont la plume kafkaïenne explore les voix oubliées du Sahara et les tensions entre tradition et modernité.

Mbarek Ould Beyrouk : Le veilleur d’âmes du désert

Dans les ruelles ocre d’Atar, au cœur de l’Adrar mauritanien, naquit en 1957 un homme qui, des années plus tard, deviendrait l’un des passeurs de mémoire les plus singuliers de la littérature francophone africaine. Mbarek Ould Beyrouk, écrivain mauritanien d’expression française, façonne depuis près de deux décennies une œuvre où le sable, le vent et le silence du Sahara se font personnages.

Sa jeunesse le mène au-delà des dunes. À Rabat, il étudie le droit, avant de revenir dans son pays avec la volonté de briser les carcans d’une presse verrouillée. En 1988, il fonde Mauritanie Demain, premier journal indépendant du pays. L’aventure journalistique le conduit à occuper des postes clés dans les médias, puis à devenir conseiller culturel du président. Mais, derrière l’homme de presse et l’intellectuel, sommeille déjà l’écrivain.

Un passeur de mémoire

Beyrouk écrit pour que les voix du désert, souvent ignorées ou effacées, trouvent place sur la page. Ses récits sont imprégnés d’une lenteur majestueuse, rythmés par les gestes immémoriaux des nomades et les ombres changeantes des dunes. Mais cette beauté est traversée d’une tension sourde : l’isolement, le doute, la sensation oppressante d’un monde qui rétrécit — un climat où l’absurde et l’étrangeté, dignes de Kafka, s’invitent au milieu des paysages infinis.

Chez lui, la parole est un fil reliant l’oralité ancestrale et l’écriture contemporaine. Ses romans font du Sahara un personnage à part entière, traversé de fractures, de violences et de nostalgie, mais aussi porteur d’une dignité qui résiste à l’effacement.

Un univers littéraire singulier

De Et le ciel a oublié de pleuvoir (2006) à Nouvelles du désert (2009), en passant par Le Griot de l’émir (2013) et Le Tambour des larmes (2015) — couronné du Prix Ahmadou-Kourouma en 2016 —, Beyrouk dresse une fresque où s’entrechoquent tradition et modernité. Dans Je suis seul (2018), il explore l’enfermement psychologique d’un homme cerné par la terreur djihadiste, tandis que Parias (2021) et Le silence des horizons (2021) poursuivent cette réflexion sur l’exil intérieur et la fragilité des communautés.
En 2022, Saara lui vaut le Prix Littéraire Les Afriques 2023, confirmant sa place sur la scène littéraire internationale.

Thèmes et figures

Ses personnages, souvent tiraillés entre l’attachement au désert et l’appel des villes, incarnent la complexité d’un monde en mutation. Les figures féminines, telles que Rayhana dans Le Tambour des larmes, se dressent face à l’oppression, osant la rébellion pour conquérir leur liberté.
Chez Beyrouk, la solitude n’est jamais simple absence : elle est matière, elle pèse, elle enferme. Ses phrases, sobres et poétiques, sont sculptées dans le silence. L’horizon, immense, devient paradoxalement un mur invisible où viennent se briser les rêves.

Une voix rare de la littérature africaine

Mbarek Ould Beyrouk n’est pas seulement un écrivain : il est un témoin, un gardien d’âmes, un artisan de mots au service de ceux qui n’ont pas voix au chapitre. Ses romans sont autant de fables kafkaïennes ancrées dans la poussière et la lumière crue du Sahara, où l’on entend battre le cœur discret mais persistant de la résistance et de l’espoir.

Rédaction Rapide info

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