Quand les ministres s’offrent des vacances sucrées : le festival des dattes ou l’art de l’inaction organisée

Par notre correspondant,M.D qui préfère les dattes fraîches à la langue de bois

Il y a des événements qui tombent du ciel comme la manne, et d’autres qui tombent du palmier : c’est le cas du très solennel Festival international des dattes mauritaniennes, dont la quatrième édition s’est ouverte vendredi dans la trépidante métropole de Kiffa – aussi trépidante que l’agenda d’un ministre en vacances prolongées.

Officiellement organisé par le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, en coopération avec le Prix international Khalifa pour le palmier dattier et l’innovation agricole (un titre qui donne déjà des coups de soleil à l’ombre), le festival a pour noble ambition de “mettre en valeur la datte mauritanienne sur les marchés internationaux”. Oui, vous avez bien lu : pendant que le pays croule sous les défis agricoles, hydriques, énergétiques, climatiques et administratifs, on peaufine la carrière internationale de quelques fruits secs.

Un festival de dattes… et de discours moelleux

À la tribune, le ministre Momme Ould Beibatta, visiblement ravi d’avoir échappé à Nouakchott pour goûter un peu d’air conditionné dans une tente sponsorisée, a affirmé que l’agriculture était “au cœur des priorités” du président de la République. Ce qui est curieux, vu qu’elle semble plutôt être au fond du tiroir des urgences. Mais qu’importe : les discours étaient bien rôtis, comme les dattes au soleil de midi, et chacun a salué “la vision stratégique” de Son Excellence, avec une synchronisation vocale qui ferait rougir un chœur soviétique.

Le ministre a aussi assuré que le gouvernement, “sous la supervision du Premier ministre”, mettait tout en œuvre pour augmenter la production agricole. Il est vrai que, dans les faits, on produit surtout… des rapports, des séminaires et des programmes. Beaucoup de programmes. Autant de palmiers bureaucratiques qui ne donnent que rarement des fruits.

L’agriculture ? Oui, mais après la sieste

Car derrière l’écran de dattes bien polies, la réalité est plus rugueuse qu’un noyau mal mâché. Le monde rural, abandonné aux caprices des saisons et aux pénuries d’eau, ne sent pas vraiment le goût sucré de la souveraineté alimentaire. Les agriculteurs attendent des pompes, pas des podiums. Des engrais, pas des fanfares.

Mais qu’importe ! Pour certains responsables, le festival est surtout l’occasion idéale de combiner trois plaisirs d’État : le déplacement ministériel, l’inaction festive et la communication tous azimuts. Ajoutez-y quelques dattes, une tente climatisée, deux caméras de la télévision nationale et une poignée de jeunes transformés en figurants folkloriques, et vous obtenez le cocktail parfait pour un weekend tous frais payés, sponsorisé par l’immobilisme.

Tourisme intérieur ou tourisme institutionnel ?

À en croire les organisateurs, le festival devrait aussi booster le “tourisme intérieur”. Il est vrai que certains ministres n’avaient pas mis les pieds à Kiffa depuis que le pays a changé de drapeau. On comprend donc l’émotion. Découvrir “le riche patrimoine civilisationnel de la wilaya de l’Assaba”, c’est essentiel… surtout lorsqu’on le fait derrière les vitres teintées d’un 4×4 climatisé, après un buffet où la datte est la seule chose locale.

Conclusion : un caramel mou en guise de politique agricole

Ce festival ressemble donc à ce que l’on fait de mieux ces derniers temps : un événement sucré pour masquer l’amertume de l’inaction. Un défilé de bonnes intentions, saupoudré de jargon technocratique, arrosé de photos souvenirs – pendant que la terre, elle, craque de sécheresse.

Mais ne soyons pas trop amers : après tout, une datte, c’est plein d’énergie. Peut-être qu’un jour, ce sera contagieux.

M.D