Quand la diplomatie feutrée de Ghazouani séduit la Maison Blanche
Sous les ors du Bureau ovale, Ghazouani charme un Trump controversé, mais la Mauritanie reste accablée par la pauvreté et la dette.
Le président américain, fréquemment qualifié de « fantasque » voire de « déréglé » par nombre d’analystes internationaux, n’a pourtant pas dissimulé son admiration pour le président mauritanien. Ce dernier, usant d’une rhétorique maîtrisée et d’une diplomatie mesurée, a su choisir ses mots avec une prudence remarquable. Il a sciemment éludé les sujets brûlants qui agitent le Moyen-Orient, préférant mettre en exergue ce qu’il considère, non sans controverse, comme des initiatives positives du président américain notamment son rôle supposé dans la désescalade entre Israël et l’Iran.
Dans un geste rare, l’hôte de la Maison Blanche a même accordé à son Excellence Mohamed Ould Cheikh El-Ghazouani un entretien privé, témoignage d’une estime particulière. Une telle faveur pourrait laisser croire que, parfois, la subtilité diplomatique et l’intelligence tactique peuvent ouvrir des portes que la seule logique ne permettrait d’entrevoir. L’art de la politique, après tout, n’est-il pas souvent celui de l’apparence et de l’opportunité ?
Cependant, au-delà des discours bien ciselés et des démonstrations de courtoisie diplomatique, la réalité intérieure de la Mauritanie demeure préoccupante. Si le président Ghazouani, comme il souhaite être appelé, s’illustre par une éloquence rassurante sur la scène internationale, la situation nationale, elle, reflète une tout autre vérité : la pauvreté persiste, les dysfonctionnements structurels entravent le développement, et les inégalités sociales continuent de s’aggraver. Le discours sur les opportunités d’investissement, certes séduisant à l’oreille des partenaires étrangers, relève davantage d’une stratégie de vitrine que d’un engagement effectif pour une transformation en profondeur.
Il me semble, en outre, que la Mauritanie est aujourd’hui accablée par un endettement massif et chronique, peinant même à honorer les seuls intérêts d’une dette aux taux usuraires. Plutôt que de chercher à séduire un président opportuniste et acquis aux logiques du capitalisme prédateur, Ghazouani aurait tout intérêt à plaider, avec force et constance, pour un allègement sinon une suppression de cette dette étranglante. Car tant que le pays restera enchaîné à ce fardeau financier, aucun projet sérieux de développement économique et social ne pourra s’épanouir.
Ainsi, l’habileté verbale ne saurait, à elle seule, masquer les lacunes de la gouvernance ni retarder indéfiniment les exigences d’un peuple en quête de justice, de progrès et de vérité. La diplomatie sans audace ni vision intérieure risque de n’être qu’un bel exercice d’équilibrisme stérile.
Eléya Mohamed