Orpaillage à Temayé : entre pick et politique, l’or de la discorde
À Temayé, les orpailleurs ne cherchent pas seulement de l’or, mais aussi justice, reconnaissance et survie. Face à eux, l’État rêve d’industrialisation. Chronique mordante d’une lutte entre piocheurs et planificateurs.
Orpaillage à Temayé : entre pick et politique, l’or de la discorde
Il était une fois dans l’or profond, un peuple sans pick-up mais avec beaucoup de pick, qui gratte la terre comme on gratte un ticket de Tiercé gagnant : sans garantie de fortune, mais avec l’espoir d’une lumière dorée. Ces gens, on les appelle « les orpailleurs », mais dans le désert, ce sont des philosophes de l’endurance, des chimistes sans diplôme et des géologues par instinct — version saharienne de Spinoza à la pioche.
Et voilà que surgit Maaden Mauritanie, le bras minéral de l’État, dirigé par le désormais légendaire M. Ba Ousmane, que certains appellent affectueusement « le monsieur invisible des grandes ambitions géologiques ». L’homme est convaincu que l’orpaillage, c’est pour les poètes et les touristes. Lui, il rêve de grandes mines industrielles, des trucs avec des grues, des câbles, des investisseurs en costume trois pièces et des cartes en 3D, pendant que les orpailleurs n’ont même pas de bottes en caoutchouc uniquement des HAWLl TOUBIT.
L’affaire de Temayé, ou comment faire d’un site minier un champ de bataille
Un beau matin, le président — dans un moment de grâce minérale — octroie aux pauvres orpailleurs le site de Temayé. Mais M. Ba Ousmane voit rouge… ou plutôt, il voit cuivre, zinc, lithium et tout ce qui brille. Il dit :
« Ce site, mes amis, n’est pas pour les tamis, c’est pour les tractopelles. »
Et là, pan ! Déclenchement du duel géologico-populaire :
les orpailleurs montent le campement version « grève du sable », 21 jours de sit-in comme des moines du désert, avec femmes, enfants, et prières à la lueur des camions-bennes. Certains dorment sur des bidons d’essence vides, d’autres font la sieste sous des pneus. Pas d’eau, pas de wifi, mais beaucoup de slogans et une seule phrase répétée comme un chapelet :
« Ba Ousmane veut nous voler notre poussière d’or pour la donner aux costume-cravate. »
Entre deux brûlures de soleil et trois insultes poético-politiques, une commission d’enquête est dépêchée. L’autorité locale, des agents de Maaden et du ministère de la tutelle. Le rapport est tranchant :
Pas de site pour les costume-cravate, la rue a gagné. Les orpailleurs publient un communiqué de victoire, genre Constitution saharienne, où ils remercient tout le monde, du chef de l’État au portier du ministère.
Mais la paix est fragile… Son Excellence Thiam Tidjani entre dans la danse, armé de textes de loi et de termes comme « infractions minières hors couloir autorisé ». Les orpailleurs répliquent avec leur vocabulaire :
« On est hors couloir, mais pas hors la loi ! »
Un vieux proverbe hassanien dit :
« Le chameau des orpailleurs ne s’agenouille jamais dans la tente d’al-ʿāfiya ».
Comprendre : leur ADN est programmé pour la lutte, la poussière et le communiqué incendiaire.
Ce que nous vivons n’est pas une crise minière, c’est une thèse de doctorat en sociologie de l’État postcolonial face à la poussière dorée. Les orpailleurs devraient songer à adhérer à l’association Al-ʿAfia Mewnka du très sage Ahmed Ould Khatry, pour apprendre que parfois, la paix vaut plus qu’un lingot. Ou au moins, pour apprendre à rédiger un communiqué sans triple insultes en trois dialectes.
Mais bon, comme disait un vieux chercheur d’or de Chami :
« Quand l’État te parle d’industrialisation, creuse vite ou cours très loin. »
Mohamed Ould Echriv Echriv