Dialogue national ou mise en scène consensuelle ?
Dialogue national ou mise en scène consensuelle ?
Le document soumis par Moussa Fall, présenté comme un “résumé préliminaire provisoire de la feuille de route du dialogue national”, soulève de graves inquiétudes quant à la sincérité, la méthode et la finalité de ce processus. Loin d’être un véritable cadre de refondation démocratique, ce document semble s’inscrire dans une logique de façade, visant davantage à légitimer un statu quo qu’à impulser une transformation profonde et inclusive de la société mauritanienne.
Une méthode autoritaire déguisée en concertation
L’ultimatum lancé par Moussa Fall — “quinze jours pour réagir, faute de quoi le silence vaudra approbation” — est indigne d’un dialogue sérieux. Cette injonction aux acteurs politiques traduit une approche autoritaire, incompatible avec l’esprit même du dialogue. Elle révèle une volonté de contrôle étroit sur le processus, où la concertation réelle est remplacée par une validation tacite et forcée. La temporalité imposée, sans débat public ni transparence sur les critères de sélection des contributions retenues, trahit une instrumentalisation du consensus.
Une feuille de route floue et sans ambition transformatrice
Le caractère “préliminaire et provisoire” du résumé soumis entretient volontairement l’ambiguïté. Cette imprécision répétée sert à éviter les responsabilités. De plus, l’absence de contenu détaillé sur les mesures concrètes à adopter dans les domaines cruciaux (justice transitionnelle, équité linguistique, refonte du système électoral, etc.) rend le document creux. Il se contente d’une énumération vague de thématiques déjà connues, sans cap clair, sans calendrier rigoureux, ni garanties d’application.
Une liste de thèmes hypocritement consensuelle
Les thèmes proposés — esclavage, passif humanitaire, diversité culturelle, réforme du système éducatif, etc. — sont incontestablement centraux. Mais leur traitement dans ce cadre risque de les neutraliser plutôt que de les résoudre. En les réduisant à de simples objets de débat, sans nommer les responsabilités, sans poser de diagnostics clairs ni proposer de réparations, le processus tourne le dos à toute exigence de vérité, de justice et de réparation. C’est une stratégie de dilution des problèmes, pas une démarche de transformation.
Une inclusion de façade, une exclusion organisée
La prétendue “participation élargie” masque mal une logique sélective. Quels sont les critères de reconnaissance des acteurs ? Où sont les exilés, les rescapés du passif humanitaire, les victimes de l’esclavage ou leurs représentants légitimes ? La diaspora, souvent instrumentalisée à des fins symboliques, est à nouveau marginalisée dans la pratique, cantonnée à un rôle figuratif. Il ne suffit pas de les nommer dans une liste pour garantir leur participation réelle.
Une supervision sous tutelle présidentielle
Enfin, l’annonce d’un processus “placé sous l’égide du président de la République” est problématique. Comment espérer un dialogue crédible et indépendant si le chef de l’État, chef de l’exécutif et acteur politique directement concerné par les critiques, supervise les débats ? Cette configuration empêche toute impartialité et mine l’espoir d’un espace véritablement souverain de réflexion nationale. On ne peut être juge et partie.
Un dialogue qui reproduit les logiques d’exclusion
Le dialogue national, tel qu’orchestré par Moussa Fall, risque de devenir une opération de communication sans portée politique réelle. L’absence de courage politique, de vérité historique, de transparence méthodologique et d’ouverture sincère condamne cette initiative à l’échec. Ce pays n’a pas besoin d’un nouveau théâtre du consensus ; il a besoin de justice, de rupture, de vérité et de refondation. Tant que les véritables voix de la douleur, de la résistance et de la dignité resteront exclues ou instrumentalisées, aucun dialogue ne pourra sauver la Mauritanie de ses fractures profondes…..Wetov
Sy Mamadou