Démocratie mauritanienne : enjeux et choix cruciaux à l’horizon 2025 | Éditorial
Éditorial : En 2025, la démocratie mauritanienne est à un tournant décisif. Entre réformes attendues, exclusion persistante et aspirations citoyennes, quel avenir pour la gouvernance démocratique en Mauritanie ?
À l’orée de 2025, la démocratie mauritanienne semble avoir franchi un cap. Mais derrière les apparences de stabilité politique et de réformes en surface, les fragilités structurelles de l’État de droit restent criantes. Il ne suffit plus de vanter une transition pacifique du pouvoir ou d’afficher des procès retentissants pour convaincre les citoyens – notamment les plus jeunes – que le changement est réel. Le défi démocratique mauritanien est aujourd’hui une affaire de profondeur, pas seulement de symboles.
Le président Ghazouani, reconduit en 2024 dans un climat électoral tendu, dispose encore d’un capital politique. Mais il risque de s’épuiser rapidement si les grandes promesses du dialogue national ne débouchent pas sur des réformes concrètes et inclusives. L’histoire récente a montré combien ces concertations peuvent se transformer en vitrines diplomatiques sans lendemains. Or, le pays ne peut plus se permettre un énième dialogue infructueux.
Il serait illusoire de parler de progrès démocratique sans affronter les réalités qui divisent encore la société mauritanienne : les discriminations raciales persistantes, les séquelles de l’esclavage, l’exclusion des Afro-Mauritaniens du jeu politique. Les événements post-électoraux de juin 2024 à Kaédi, qui ont coûté la vie à plusieurs manifestants, rappellent cruellement les tensions non résolues.
Certes, des signaux positifs existent. L’amélioration notable de la position de la Mauritanie dans les classements sur la liberté de la presse, l’adhésion à des chartes internationales, ou encore la lutte affichée contre la corruption – symbolisée par la condamnation de l’ancien président Ould Abdel Aziz – marquent une volonté de rupture. Mais ces actes resteront symboliques tant que l’indépendance de la justice ne sera pas assurée, tant que les journalistes et militants ne seront pas protégés contre les pressions politiques ou policières.
L’autre grande promesse, celle du développement économique tiré par le gaz, l’hydrogène et les ressources minières, pourrait être une opportunité historique. À condition que cette croissance soit équitable, qu’elle bénéficie à la majorité et non à une élite restreinte. Le peuple, notamment sa jeunesse, attend des emplois, de l’éducation, une perspective d’avenir sur son propre sol. Faute de quoi, l’exil restera une option de survie.
Enfin, le rôle de l’armée dans la vie politique – si discret soit-il aujourd’hui – demeure une épée de Damoclès. Tant que l’État civil ne consolidera pas ses institutions, la tentation de l’autoritarisme ne sera jamais loin.
Alors oui, la Mauritanie est à la croisée des chemins. Le régime peut choisir la voie d’une démocratie de façade, reposant sur des avancées contrôlées et des réformes timides. Ou bien celle, plus exigeante mais plus salutaire, d’un véritable changement : inclusion des exclus, indépendance de la justice, libre expression, égalité réelle, et justice sociale.
Le moment est venu de faire des choix courageux. Car les peuples ne se contentent plus de symboles : ils réclament des actes.
Rédaction Rapide info