Mauritanie : un dialogue national inclusif lancé pour refonder le pacte démocratique
Le Dialogue national inclusif en Mauritanie est lancé avec l’ambition d’ouvrir un nouveau chapitre démocratique. Quels sont les enjeux, les attentes et les obstacles ? Analyse complète et indépendante.
Le gouvernement mauritanien a lancé un dialogue national inclusif visant à renforcer la cohésion sociale et la démocratie. Présidé par Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, ce processus réunit majorité, opposition, société civile et diaspora. Entre attentes élevées et scepticisme prudent, le pays espère tourner la page des dialogues inachevés.
NOUAKCHOTT — Depuis la fin 2024, la Mauritanie a amorcé un processus de dialogue national inclusif, salué comme une avancée démocratique significative, mais dont la portée véritable sera jugée à l’aune de son ouverture, de sa transparence et de sa mise en œuvre concrète.
1. Un lancement institutionnel ambitieux
Présidé par Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, le gouvernement a officiellement lancé les discussions à travers plusieurs actes symboliques : nomination de Moussa Fall comme coordinateur (9 mars 2025), discours présidentiel affirmant l’ambition inclusivité, et consultations initiales avec la majorité et la diaspora (rapideinfo.mr).
Le porte-parole du gouvernement, le Ministre de la Culture, a insisté sur le caractère exceptionnel et volontaire de ce dialogue, sans pression électorale ni militaire .
2. Une majorité présidentielle mobilisée
Le 28 avril, les partis de la majorité ont remis leur « vision commune » au coordinateur, en vue de bâtir un cadre de consensus sur les grandes réformes à engager (rapideinfo.mr).
Le Premier ministre El Moctar Ould Djay a souligné la portée inclusive du projet, mentionnant des priorités comme l’État de droit, la lutte contre l’esclavage, la jeunesse et la modernisation administrative (rapideinfo.mr).
3. Les attentes et les doutes exprimés
a) Par l’opposition
L’opposition reste vigilante et exige des garanties : mise en place d’un organe indépendant de suivi, adoption de mesures concrètes (officialisation des langues nationales, droits sur l’éducation, législation partisane) (issafrica.org).
Biram Ould Dah Abeid, leader abolitionniste, refuse de participer sans assurances fermes sur le règlement de l’héritage esclavagiste et un mécanisme indépendant .
b) Par la société civile
ONG, syndicats et groupes citoyens dénoncent un manque de transparence dans la préparation des travaux (rapideinfo.mr). Ils réclament l’inclusion active des femmes, des jeunes et des groupes marginalisés, et craignent que le dialogue ne reste qu’un exercice de légitimation.
c) Par les experts et partenaires extérieurs
Selon un article de l’ISS, pour éviter les échecs précédents (2004, 2007, 2017, 2018…), il faudra un cadre transparent, la volonté politique à concrétiser les résultats, et un suivi crédible de l’exécution (issafrica.org).
La communauté internationale, notamment l’ONU et l’Union européenne, estime que le succès du dialogue pourrait renforcer la cohésion politique et sociale du pays .
4. Une consultation étendue à la diaspora
Le 18 mai, une session virtuelle a regroupé près de quarante représentants de la diaspora en Europe et en Amérique du Nord, mobilisant universitaires, entrepreneurs et leaders associatifs (initiativesnews.com).
Moussa Fall a souligné leur rôle essentiel : « votre double culture (…) fait de vous des partenaires incontournables » pour imaginer les réformes de demain (initiativesnews.com).
Analyse : vers un véritable projet de société ?
Le processus actuel présente un potentiel indéniable :
- Un leadership national affirmé, volonté présidentielle de débattre fortement et en profondeur.
- Des acteurs clés mobilisés : majorité politique, opposition modérée, société civile, diaspora.
- Des partenaires prêts à accompagner, pourvu que le dialogue dépasse les intentions déclarées.
Mais les défis restent nombreux :
- Transparence : les modalités d’organisation restent floues ; l’accès des médias et des ONG à l’information demeure partiel .
- Suivi des engagements : plusieurs expériences passées montrent que les accords veulent souvent restent lettre morte sans mécanisme de mise en œuvre.
- Inclusivité réelle : la participation de groupes marginalisés (femmes, Haratines, jeunes) et la garantie qu’ils auront une voix influente ne sont pas encore assurées.
Enjeux cruciaux pour la suite
Enjeu | Enjeux identifiés |
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Cadre institutionnel | Adoption d’un organe indépendant de suivi avec pouvoirs contraignants. |
Transparence | Accès égal des médias et publication continue de l’agenda, des débats et des décisions. |
Représentation | Intégration effective des femmes, jeunes, minorités (langues, culture, régions). |
Suivi | Garantie politique (ou légale) de mise en œuvre, avec reporting régulier. |
Conclusion
Le « dialogue national inclusif » en Mauritanie oscille aujourd’hui entre l’espoir et la méfiance mesurée. Il bénéficie d’une impulsion institutionnelle forte, d’un soutien international et d’un cadre participatif élargi. Mais son succès dépendra de la capacité du pays à transformer la volonté en engagement concret : transparence, diversité effective des participants, mécanismes de suivi solides.
Les prochaines semaines seront décisives : si les règles du jeu sont clarifiées, que les acteurs trouvent un équilibre durable entre ambition et prudence, ce dialogue pourra devenir le véritable élan vers un pacte social renouvelé. Sinon, comme plusieurs précédents, il risque de se dissoudre dans les mots, sans laisser de trace durable.
Rédaction de Rapide Info
Source : Rapide Info Mauritanie