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Mauritanie : entre ambitions écologiques et réalités du terrain, l’environnement à l’épreuve

La Mauritanie multiplie les engagements en matière d’environnement, mais la mise en œuvre reste fragile. Analyse actualisée des politiques environnementales en 2025, entre ambitions nationales et défis structurels.

Face à l’urgence climatique, la Mauritanie veut se positionner en acteur écologique engagé. Mais sur le terrain, la transition environnementale peine à dépasser les discours officiels.

Nouakchott, juin 2025 – Coincée entre désert et océan, la Mauritanie fait face à des défis environnementaux qui mettent à rude épreuve ses engagements climatiques. Si le pays a multiplié les textes et les signatures internationales, la mise en œuvre reste laborieuse. Entre stratégies nationales, mobilisation citoyenne et inerties institutionnelles, décryptage d’un chantier écologique crucial mais encore instable.

Un cadre législatif étoffé, mais peu contraignant

Depuis l’entrée en vigueur de son Code de l’environnement en 2000, la Mauritanie a aligné son dispositif juridique sur les grandes conventions internationales. Elle a ratifié l’Accord de Paris, la Convention sur la biodiversité, ainsi que la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification.

La Stratégie Nationale de Développement Durable (SNDD), adoptée en 2017 et actualisée en 2023, repose sur quatre piliers : résilience climatique, gestion durable des ressources, gouvernance environnementale et transition énergétique. Elle prévoit d’ici 2030 une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 11,3 %, avec l’appui des financements internationaux. Mais à mi-parcours, les résultats peinent à se concrétiser.

Bilan d’étape : des intentions aux chiffres

Selon le dernier rapport du ministère de l’Environnement publié en avril 2025, seulement 41 % des objectifs de la SNDD sont actuellement en cours de réalisation, contre 38 % un an plus tôt. Ce léger progrès reste fragile face à des obstacles persistants : faibles capacités techniques des administrations, faible coordination entre les ministères et dépendance massive à l’aide internationale.

Le financement reste un talon d’Achille. Sur les 1,2 milliard USD nécessaires pour les projets climatiques 2020–2030, à peine 27 % ont été mobilisés à ce jour, selon la Direction nationale du climat.

Des initiatives prometteuses, mais isolées

Le Projet de Gestion Durable des Terres (PGDT), financé par le FEM et lancé en 2021, a permis de restaurer 7 000 hectares de terres dégradées dans l’est du pays. La stratégie énergétique, quant à elle, mise sur un mix renouvelable. Le parc éolien de Boulenouar (102,4 MW), désormais opérationnel, devrait couvrir 15 % des besoins nationaux. Mais les réseaux de distribution restent vétustes et inégalement répartis.

Une société civile plus engagée que jamais

Face à l’inefficacité de certains dispositifs étatiques, les organisations citoyennes prennent le relais. À Nouadhibou, l’association EcoJeunes a lancé cette année une campagne de collecte de déchets plastiques qui a déjà permis de recycler plus de 90 tonnes. À Nouakchott, des collectifs comme Green Sahara ou la Coalition pour une Mauritanie Verte dénoncent les déversements toxiques non réglementés dans les zones industrielles.

« La jeunesse est prête à s’impliquer, mais il faut qu’on arrête de travailler dans le vide », déplore Mariem Ahmed, écologiste et fondatrice d’une coopérative verte. « Sans un appui réel et sans données fiables, nos efforts restent anecdotiques. »

Urbanisation, industries extractives, littoral en danger

Les défis restent redoutables. La population urbaine a doublé en vingt ans, exerçant une pression accrue sur les nappes phréatiques. Nouakchott, construite en dessous du niveau de la mer, est aujourd’hui l’une des capitales les plus vulnérables au changement climatique. L’érosion côtière progresse de 1,3 mètre par an, selon l’Institut mauritanien de recherche océanographique et des pêches (IMROP).

Côté industries extractives, l’impact environnemental reste préoccupant : l’exploitation minière – principalement du fer, de l’or et du cuivre – est responsable de plus de 30 % des rejets polluants, selon un audit conjoint mené par la DCE et la Banque africaine de développement en 2024.

Repenser la gouvernance environnementale

Experts et praticiens s’accordent : la Mauritanie ne manque ni d’outils juridiques ni de projets pilotes, mais de cohérence dans l’action. Il s’agit de renforcer l’intégration des politiques environnementales au niveau communal, d’instaurer un cadre fiscal incitatif pour les investissements verts, et de généraliser l’éducation environnementale dans les programmes scolaires.

« Le défi n’est pas seulement écologique, il est profondément politique et culturel », affirme Dr Sidi Ould Mohamed, consultant en développement durable. « Sans vision partagée ni gouvernance transparente, les stratégies resteront lettre morte. »

Une opportunité à ne pas manquer

À l’heure où la transition écologique devient une exigence internationale, la Mauritanie se trouve à un tournant. Le pays peut devenir un modèle sahélien de résilience climatique s’il investit durablement dans l’éducation, la participation communautaire et les infrastructures vertes.

En s’appuyant sur ses atouts naturels – soleil, vent, littoral – et en consolidant ses institutions, la Mauritanie a encore la possibilité d’inscrire l’environnement au cœur de son projet de société.

Accord de Paris : Quel impact pour la Mauritanie ?

COP28 : la position défendue par la Mauritanie

Inondations à Nouakchott : entre urgence et improvisation

Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) – Afrique de l’Ouest

Banque mondiale – Mauritanie : aperçu environnemental

IMROP – Institut mauritanien de recherche océanographique et des pêches

FAO – Lutte contre la désertification au Sahel

Rédaction Rapide info

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