Mauritanie : la titularisation historique des agents des médias publics | Réforme administrative
Après 30 ans d’attente, 1.865 agents des médias publics mauritaniens obtiennent leur titularisation. Une réforme emblématique initiée par Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani.
Après 30 ans d’attente, 1.865 agents des médias publics mauritaniens obtiennent leur titularisation. Une réforme emblématique initiée par Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani.
C’était un matin comme tant d’autres, et pourtant, il portait en lui l’éclat singulier des aubes historiques. Sur le parvis des médias publics mauritaniens, des hommes et des femmes, jadis réduits au silence discret des couloirs administratifs, esquissaient des pas de danse. Mais ne nous y trompons pas : il ne s’agissait point là d’une simple chorégraphie improvisée. Non, c’était, à la manière des foules acclamant jadis la libération après les longues années d’ombre, une allégorie vivante d’un peuple professionnel arraché aux limbes de l’oubli.
Durant trois décennies, ces travailleurs de l’ombre — journalistes au stylo usé, cameramen à l’épaule voûtée, documentalistes aux archives jaunies et techniciens aux gestes précis — vécurent dans une étrange zone grise. Ils étaient indispensables sans jamais être reconnus. Tels les soldats d’une armée sans drapeau, ils servaient un État qui feignait de ne pas les voir. Ce paradoxe administratif aurait fait sourire — ou pleurer — même feu Moktar Ould Daddah, lui qui, dans la rigueur de sa gouvernance fondatrice, n’aurait peut-être pas toléré un tel oxymore bureaucratique : des travailleurs sans statut, des invisibles omniprésents.
Mais voici que, sous l’impulsion de Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, souffle aujourd’hui un vent nouveau. Un vent qui, tel Éole déchaînant ses bourrasques après une longue accalmie pesante, est venu balayer les scories d’un système ankylosé. N’allons pas croire qu’il s’agit d’une simple régularisation comptable — ah ! quelle touchante antiphrase que de réduire cette opération titanesque à une formalité administrative ! Non. C’est une métamorphose. Une mue institutionnelle, une renaissance.
L’État, dans un rare sursaut de conscience, a ainsi reconnu l’existence de 1.865 âmes, longtemps confinées aux marges du droit. Par une démarche aussi méticuleuse qu’une opération de dentelle, alliant rigueur bureaucratique et humanisme politique, le diagnostic a été posé, le tri effectué, la justice administrée. Le tout avec une élégance que l’on pourrait qualifier — pour user d’un doux euphémisme — de tardive.
Sur les écrans, la vidéo fait le tour des réseaux sociaux : des rires éclatent, des youyous transpercent l’air, les corps ondulent au rythme d’une joie contenue trop longtemps. En vérité, ces mouvements ne sont pas de simples convulsions festives ; ils forment une grammaire corporelle de la reconnaissance. Chaque pas de danse est une syllabe, chaque battement de main un point d’exclamation lancé au ciel, chaque chant un hommage discret à l’équité retrouvée.
Car il faut l’avouer — et voilà la litote — le chemin fut quelque peu sinueux. Pendant que d’autres secteurs prospéraient, ces ouvriers de l’information peinaient sous le joug d’une précarité devenue chronique, comme ces rivières asséchées que l’on promet d’irriguer depuis l’aube des temps sans jamais ouvrir les vannes.
Et pourtant, dans cet instant suspendu, le pays assiste, médusé, à une scène qui n’est pas sans rappeler ces moments solennels où Nelson Mandela, à la sortie de Robben Island, avait tendu la main à ses geôliers, transformant l’injustice en socle de réconciliation. Ici aussi, la réhabilitation dépasse la simple régularisation : elle devient acte politique fondateur, charpente morale d’un État en quête de lui-même.
En somme, lorsque l’État danse avec son peuple, il ne s’agit pas d’une valse anodine : c’est une catharsis républicaine. Car enfin — et l’anacoluthe ici s’impose — quand l’invisible devient visible, c’est l’histoire qui se redresse, la mémoire qui s’éclaircit et la nation qui, soudain, semble marcher d’un pas plus assuré vers son propre avenir.
Ahmed OULD BETTAR