Accueil |Billet d'humeur

Félicitations surchauffées, téléphone saturé : chronique d’un jour ordinaire en Mauritanie

Félicitations surchauffées, téléphone saturé : chronique d’un jour ordinaire en Mauritanie

Billet d’humeur – Par un citoyen débordé

Ce matin-là, rien ne laissait présager l’avalanche. Un soleil paresseux se levait sur Nouakchott, un peu voilé, comme un présage discret. Et puis soudain, ça commence. Une salve de félicitations, polies, enthousiastes, théâtrales parfois. D’abord, on apprend que Sidi Ould Tah est chaudement félicité — ou bien est-ce le Président lui-même qui en profite pour s’auto-applaudir, subtilement, à travers les mots bien rodés du ministre Merzoug ? Allez savoir… C’est que dans ces eaux troubles, le compliment est une arme diplomatique à double tranchant.

Le problème, ce n’est pas qu’on félicite. Le problème, c’est qu’on ne sait plus qui félicite qui, ni pourquoi au fond. Kadiata Diallo, lucide ou provocatrice, a tenté de glisser un tacle — une de ces piques bien senties qui réveillent les timelines — mais rien n’y fait. La machine à congratulations tourne en boucle, inoxydable. On la sent, cette volonté d’écrire l’Histoire avec des points d’exclamation. Et pendant ce temps, mon téléphone…

Ah, mon pauvre téléphone ! Made in Taïwan ou Chine continentale, peu importe : il n’est pas conçu pour supporter ce flot d’affection numérique. D’abord viennent les vœux de Tabaski, sincères mais redondants, en cascade. Des messages audio, des images de moutons entourés de roses et de versets, des GIF animés de feux d’artifice. Puis, sans crier gare, la félicitation nationale devient virale. Les blogueurs s’y mettent, les amis virtuels relaient, les influenceurs envoient leurs chaînes. Et hop, une nouvelle notification ! Encore une ? Un tweet ? Ah non, le tweet.

Ce tweet-là, discret comme une étincelle dans un champ de poudre, ouvre les vannes. Les messages officiels, officieux, anonymes, orchestrés… Je me demande si le gouvernement n’a pas, d’un clic, décidé de tester la solidité des téléphones mauritaniens. Saturation. Mon pauvre appareil rend l’âme, écran figé, batterie à genoux. Et moi, là, au milieu des « Mabrouk », « Bravo », « Fière nation », à me demander : quand est-ce que ça s’arrête ?

Dans une République où l’enthousiasme institutionnel frôle parfois l’exubérance, on finit par espérer… un petit silence. Oui, juste un silence numérique, le temps de respirer, de penser. Pas par manque de patriotisme, non. Par besoin d’oxygène. De calme. De vérité aussi, derrière les formules trop parfaites.

Alors à tous ceux qui veulent féliciter aujourd’hui, demain ou le jour d’après : allez-y, mais pensez à nos téléphones. Et surtout, à notre santé mentale.

Une humeur à chaud, un soupir connecté, signé par un citoyen saturé mais toujours debout.

Laisser un commentaire

Articles similaires