Procès Abdoulaye Ba : Biram Dah Abeid face à l’État mauritanien — Entre stratégie politique et instrumentalisation judiciaire
Dans une tribune incisive, l’auteur décrypte la stratégie de Biram Dah Abeid autour du procès d'Abdoulaye Ba et la défiance vis-à-vis des institutions mauritaniennes.
Dans le contexte du procès du militant Abdoulaye Ba, le député Biram Dah Abeid diffuse un message politique à forte charge émotionnelle. En politisant une affaire judiciaire, il tente de transformer un dossier individuel en symbole de répression systémique. Cette tribune démonte les ressorts d’une stratégie médiatique fondée sur la victimisation, la défiance institutionnelle et le recyclage d’une opposition radicale dans un État en quête de maturité républicaine.
Le message audio du député Biram Dah Abeid, livré dans le contexte du procès du militant Abdoulaye Ba, s’inscrit dans une stratégie médiatique récurrente : transformer un acte judiciaire isolé en offensive politique globale contre les institutions de l’État. Pour le gouvernement et les partisans de l’ordre républicain, il ne s’agit pas de minimiser l’émotion politique que peuvent susciter ces discours, mais de rappeler une vérité structurelle : la République ne saurait être prise en otage par la rhétorique permanente de la victimisation.
L’affirmation que « le véritable accusé n’est pas le militant, mais le projet politique qu’il porte » ne relève pas d’un diagnostic lucide, mais d’un procédé de dramatisation calculée. En niant l’existence d’un acte individuel justiciable, le député tente de politiser à outrance une procédure relevant du droit commun, et ainsi court-circuiter l’indépendance du pouvoir judiciaire.
Cette méthode — transformer chaque convocation en procès politique — fragilise les institutions. Elle tend à disqualifier d’emblée toute procédure judiciaire visant un militant, comme si l’engagement militant offrait une immunité structurelle contre toute poursuite pénale.
Le député rejette toute idée d’infiltration d’IRA par des membres des FLAM, tout en reconnaissant implicitement que des éléments issus de mouvements radicaux se retrouvent aujourd’hui dans les arcanes de l’État. Or, cette remarque dévoile un paradoxe fondamental : si le système mauritanien absorbe parfois des opposants passés, n’est-ce pas la preuve d’une capacité d’inclusion, de dépassement et de maturation politique ?
Loin d’un aveu de duplicité, l’évolution de certains anciens opposants vers des responsabilités publiques atteste la plasticité républicaine du régime, capable de transformer la contestation en participation, sans pour autant renier l’ordre établi. C’est là la marque d’un système fort, pas d’un système faible.
Lorsque Biram déclare qu’il reviendra après la fête de l’Aïd pour se soumettre à tout jugement, il ne fait que répéter une chorégraphie désormais bien rodée : faire de l’exil passager un outil de capital politique, en insinuant qu’il est traqué ou visé par le pouvoir, alors même qu’il est député de la République, protégé par son immunité, et parfaitement libre de ses mouvements.
Le régime, quant à lui, ne s’oppose pas au retour d’un parlementaire dans son pays. Il respecte la libre circulation des citoyens et n’interfère pas dans les procédures judiciaires lorsqu’elles existent. Le discours de défiance permanente entretient une illusion d’oppression, là où il n’y a en réalité qu’un refus de reconnaître la légitimité des institutions existantes.
Parler de « mépris du peuple » relève d’un vocabulaire émotionnel, qui occulte une réalité moins spectaculaire mais plus robuste.
Selon Biram, le régime l’utiliserait comme un épouvantail pour effrayer une frange de la population. Cette analyse repose sur une vision manichéenne et statique de la société mauritanienne, supposée divisée en blocs ethno-identitaires instrumentalisables.
Le message de Biram Dah Abeid, s’il est habilement construit, révèle surtout un besoin permanent de conflit pour exister politiquement. Il ne propose pas une sortie par le haut, mais un récit clos, fondé sur la polarisation, l’accusation généralisée et le rejet des institutions.
Auteur : Mohamed Ould Echriv Echriv