Affaire de l’or disparu en Guinée : l’ombre d’un réseau mafieux et d’une crise diplomatique latente
Une tonne d’or disparue, un réseau mafieux présumé et une fuite à Dubaï : retour sur le scandale qui secoue la Guinée et implique Yacoub Sidya.
Par la rédaction de Rapide Info – Source : Mosaiqueguinee.com
Conakry, juin 2025 – En Guinée, une affaire aux contours opaques et aux ramifications transnationales secoue les plus hautes sphères de l’État. Depuis près de six mois, la disparition inexpliquée de plus d’une tonne d’or appartenant à la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG) a mis à nu l’existence d’un réseau présumé d’escroquerie organisée impliquant des figures économiques, des responsables institutionnels et des diplomates, au cœur duquel émerge un nom : Yacoub Sidya, homme d’affaires mauritanien.
Selon une enquête exclusive relayée par Mosaiqueguinee.com, ce dossier désormais sous haute surveillance judiciaire mêle falsifications de documents, complicités internes et usage frauduleux d’entités internationales. L’onde de choc dépasse aujourd’hui les frontières de la Guinée.
Une escroquerie savamment orchestrée
L’affaire remonte à février 2021, lorsque Yacoub Sidya propose à la BCRG d’ouvrir un compte auprès de Brink’s, célèbre société américaine de transport de valeurs, en vue d’y transférer de l’or raffiné par la société Émirat Miting Refinery (EMR). Le projet paraît solide, jusqu’à ce que des vérifications menées par la Banque Centrale révèlent une cruelle réalité : le compte n’a jamais existé.
Pire encore, les documents de dépôt et factures présentés comme émanant de Brink’s étaient des faux soigneusement fabriqués. Derrière cette imposture, une complicité interne semble avoir joué un rôle décisif. Diafariou Bah, auditeur général de la BCRG, aujourd’hui suspendu, est accusé d’avoir attesté de la validité de ces documents en collusion avec l’équipe de Sidya.
Le rôle trouble de la raffinerie EMR et des relais politiques
Le système mis en place s’appuyait sur une structure huilée : le traitement de l’or guinéen était confié à EMR, tandis que le transport et le stockage étaient supposément gérés par Brink’s. En réalité, les lingots restaient bloqués à Dubaï, dans les installations de Phoenix Precious Metals, une société également liée à Sidya.
Les soupçons de manipulation remontent également jusqu’à Souadou Baldé, ancienne vice-gouverneure de la BCRG, accusée d’avoir transmis des informations confidentielles à des partenaires extérieurs dans une tentative présumée de déstabilisation interne au profit du groupe frauduleux.
Le réseau s’étend même jusqu’à Karim Jendoubi, ex-directeur général de Brink’s, recruté en août 2021 par Sidya dans ses sociétés privées. Bien que n’ayant plus aucun lien officiel avec Brink’s, Jendoubi a continué à produire des documents au nom de la société américaine, facilitant ainsi la fraude.
Un scénario digne d’un thriller financier
En décembre 2024, Yacoub Sidya est interpellé à Conakry et placé en détention. Il y restera plus d’un mois. Sa libération, survenue le 25 janvier 2025, aurait été négociée sous l’impulsion de hautes autorités mauritaniennes, à condition que l’or soit restitué sous 72 heures.
Accompagné d’un gendarme guinéen, il s’envole pour Nouakchott puis Dubaï, mais dès son arrivée, il disparaît, invoquant une hospitalisation d’urgence. Ses téléphones s’éteignent, les messages restent sans réponse, et le gendarme ainsi que la mission guinéenne sont abandonnés sur place.
Après plus de deux semaines d’attente, la délégation guinéenne rentre à Conakry le 18 février, sans or ni explication. Pour la Guinée, c’est un camouflet diplomatique autant qu’un scandale de sécurité nationale.
Tentative d’apaisement diplomatique ?
L’affaire prend une tournure encore plus politique lorsque, le 10 mars 2025, le ministre mauritanien des Affaires étrangères, Mohamed Salem Ould Merzoug, se rend à Conakry. Officiellement pour « consultations », il était supposé être accompagné de Yacoub Sidya – qui, fidèle à son habitude, s’est volatilisé une nouvelle fois.
Une réunion nocturne à huis clos a eu lieu dans un hôtel de la capitale guinéenne. Rien n’a filtré de ces échanges. Cependant, une déclaration du Ministre Secrétaire général de la Présidence guinéenne, le Général Amara Camara, donne un aperçu de la détermination de l’État guinéen : « Nous savons où se trouve notre or, et nous savons comment ça va venir. »
Implications et perspectives
L’affaire révèle une fragilité systémique dans la gouvernance des ressources naturelles en Guinée. Elle pose aussi la question de la vulnérabilité des États africains face aux réseaux transnationaux d’escroquerie opérant avec des complicités internes.
Si certains responsables, comme Tidiane Koita, patron des orpailleurs guinéens, ont été blanchis, le doute plane toujours sur d’éventuels acteurs tapis dans l’ombre, dans une affaire mêlant intérêts financiers, ambitions politiques et stratagèmes frauduleux.
Les autorités guinéennes, appuyées par une coopération mauritanienne annoncée mais encore floue, tentent désormais de reprendre la main. Reste à savoir si elles iront jusqu’au bout pour ramener l’or disparu et démanteler le réseau en profondeur.
Une affaire symptomatique des défis africains
Ce scandale dépasse la simple question d’un vol de métal précieux. Il symbolise les dérives de la gestion opaque des matières premières sur le continent africain, et le jeu trouble de certaines élites économiques prêtes à tout pour détourner les richesses nationales.
La Guinée saura-t-elle faire de cette affaire un exemple de rigueur judiciaire et diplomatique ? Ou ce dossier viendra-t-il s’ajouter à la longue liste des scandales enterrés sous le poids des complicités politiques ?
À suivre de très près.
Source principale : Mosaiqueguinee.com, 2 juin 2025
Autres sources : Chretiens.com, Crocinfos.net