La soif comme fatalité ? Quand l’eau devient marchandise et l’État complice de la privation
La soif comme fatalité ?
La Mauritanie a soif. Ce n’est pas une image, ni une exagération. C’est une réalité brutale, quotidienne, insoutenable. Dans les villes comme dans les campagnes, des milliers de familles vivent au rythme des coupures d’eau, des files interminables devant les rares points d’approvisionnement, de l’angoisse de ne pas pouvoir abreuver un enfant, un malade, un troupeau. Et pendant que le peuple assoiffé tend les mains vers un bien vital, quelques commerçants – en toute impunité – pompent les nappes phréatiques, les épuisent, les mettent en bouteille… pour les revendre au prix fort.
Cette eau, captée dans les profondeurs de la terre mauritanienne, n’est pas un bien privé. Elle n’est pas le fruit d’un investissement industriel ou d’une création humaine. Elle est un don de la nature, un héritage collectif, un droit fondamental de tous les citoyens. Or, dans un silence complice, on laisse des intérêts privés faire main basse sur ce trésor vital, l’emballer, le tarifer, l’accaparer, alors que le pays traverse une soif généralisée.
Où est l’État ? Où est le rôle du garant de l’intérêt général ? Où est l’autorité publique censée protéger les ressources stratégiques et veiller à leur juste distribution ? L’État, en se taisant, en tolérant ces pratiques, se rend complice. Complice d’une injustice sociale profonde. Complice d’un modèle économique immoral. Complice d’un système où même l’eau, élément premier de la vie, devient un privilège.
Ce n’est pas un simple déséquilibre de marché. C’est une faute politique. Une trahison des responsabilités élémentaires. Car lorsque l’eau manque, ce n’est pas un luxe qu’on retire aux pauvres, c’est la vie elle-même qu’on leur refuse. Dans un pays qui affronte la sécheresse, les dérèglements climatiques, et des infrastructures hydrauliques défaillantes, l’État n’a pas le droit de fermer les yeux sur cette marchandisation honteuse du vivant.
Il faut le dire avec clarté : l’eau est un droit, pas une marchandise. Dans un contexte de crise, chaque goutte doit être protégée, rationnée avec justice, distribuée gratuitement aux plus démunis. Les nappes phréatiques doivent être placées sous contrôle strict, et tout captage à but commercial suspendu ou sévèrement encadré. L’intérêt public doit primer sur les profits privés.
Il est temps d’agir. Car laisser la soif s’installer comme une norme, c’est ouvrir la porte à la colère, au désespoir, à l’instabilité. Et nul État ne peut survivre longtemps en privant son peuple de ce qu’il a de plus élémentaire : l’eau……wetov
Sy Mamadou