Mauritanie : L’État de droit en mode promesse – chronique d’un chantier à ciel ouvert
Mauritanie : L’État de droit en mode promesse – chronique d’un chantier à ciel ouvert
Nouakchott, avril 2025 – Chronique d’humeur par un observateur désenchanté, mais pas désespéré
Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani rempile pour un second round. Cette fois, le mot d’ordre est clair, gravé en lettres d’or dans le programme présidentiel : faire de la Mauritanie un véritable État de droit. Rien que ça. L’ambition est noble, l’objectif légitime, mais la route… cabossée.
C’est un peu comme vouloir bâtir une mosquée sur des sables mouvants : les fondations institutionnelles vacillent encore, la justice donne parfois des signes de fatigue chronique, et la gouvernance, elle, cherche toujours son manuel d’instructions.
Justice : il faudra bien trancher un jour
Sans une justice qui s’assume, se redresse et se libère des pesanteurs politiques, l’État de droit restera un concept creux, bon pour les discours du 28 novembre. Ce que tout le monde attend, c’est un vrai big bang judiciaire : un Conseil supérieur de la justice qui ne soit pas une chambre d’échos du pouvoir, des juges formés et promus sur leurs mérites, et une muraille étanche entre l’exécutif et le judiciaire. L’indépendance ne se décrète pas, elle se construit.
Corruption : le chantier à haut risque
Là, c’est le nerf de la guerre. Sans transparence, pas de confiance. Et sans confiance, pas d’État de droit. Les institutions de contrôle, aujourd’hui trop souvent cantonnées au rôle de figurants, doivent enfin entrer dans le jeu. Les inspecteurs d’État et les auditeurs de la Cour des comptes ne doivent plus se contenter de rapports en sourdine. La digitalisation, elle, pourrait être l’alliée inattendue, en injectant un peu de lumière dans les couloirs obscurs des marchés publics et des douanes.
Administration : un lifting de fond s’impose
Une administration au service du citoyen, voilà un vœu pieux qui commence à se faire vieux. Il est temps de passer aux actes : décentraliser vraiment, traiter tous les citoyens à égalité, et surtout, gommer les discriminations systémiques qui minent la confiance dans les institutions. Il faut en finir avec les passe-droits, les réseaux de l’entre-soi et les nominations entre cousins. L’administration doit redevenir la maison de tous, pas le repaire de quelques-uns.
Libertés : de la parole aux actes
Les droits humains ne peuvent pas être la cinquième roue du carrosse institutionnel. On ne bâtira pas un État de droit sur fond de silences forcés et de pages blanches dans les journaux. Dépénaliser les délits d’opinion, protéger les lanceurs d’alerte, garantir la liberté de la presse… voilà les briques d’un climat démocratique qui respire. Sinon, tout ça sentira encore trop la poudre des arrestations arbitraires.
Société civile : il serait temps de la prendre au sérieux
Les ONG, les syndicats, les activistes… Ce sont eux les véritables capteurs de la rue. On ne construit pas un État de droit sans dialoguer avec ceux qui vivent ses absences au quotidien. La société civile doit être associée, pas tolérée. Et pourquoi pas un vrai conseil citoyen permanent ? Tant qu’à faire les choses, autant les faire bien.
Éducation : semer aujourd’hui pour récolter demain
Enfin, il y a l’école. Car sans culture de la légalité, tout le reste n’est que poudre aux yeux. L’éducation civique, l’accès au droit, le soutien juridique pour les plus vulnérables… c’est dans les classes que l’État de droit prendra racine. Ou pas.
Un État de droit, ou juste le droit de rêver ?
Ghazouani veut marquer l’Histoire. Soit. Mais l’Histoire ne se forge pas à coups de slogans. Il faudra du courage, des ruptures, et surtout, des actes. La Mauritanie est à un carrefour. Et si elle veut vraiment entrer dans l’ère de la République des droits, elle devra faire bien plus qu’agiter des promesses : elle devra les tenir.
AOB