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La mémoire en débat : quand la politique touche à l’honneur

La mémoire en débat : quand la politique touche à l’honneur

Il est des silences qui honorent davantage que mille déclarations. Et il est des mots, même portés par la conviction, qui blessent plus fortement que le fer. L’affaire du rapatriement de Yaya Sissoko, condamné pour sa participation à l’un des crimes les plus atroces qu’ait connus notre pays ces dernières décennies, aurait dû être traitée avec la retenue, la gravité et la dignité que réclame la mémoire d’un homme assassiné dans des conditions inhumaines. Mais à la stupeur générale, c’est une toute autre posture qu’a choisie le jeune député Khaly Diallo, saluant publiquement ce transfert comme une victoire, un soulagement ; voire un motif de réjouissance.

Il faut avoir la mémoire courte ou le sens moral altéré pour banaliser ainsi un acte judiciaire d’une telle portée symbolique. Car au-delà des implications diplomatiques ou des clauses d’un accord entre États, ce que la population retient, c’est qu’un homme reconnu coupable de l’assassinat barbare d’un citoyen mauritanien ; Ahmed Ould Amma, vieillard respecté, supplicié dans un rituel sanglant ; a quitté notre territoire sans que justice ne soit pleinement rendue à la victime, à sa famille, ni à la nation tout entière.

La parole du député Diallo, qu’on avait connu plus inspirée, plus vibrante de justice et d’humanité, a ici déçu profondément. Elle a heurté le sentiment national, renié la douleur des proches du disparu, et donné à penser que certains engagements politiques peuvent faire oublier les repères les plus essentiels. Car enfin, qu’y a-t-il à célébrer dans le transfert d’un criminel, dont les actes ont marqué à jamais la mémoire collective ? Où est l’honneur, où est la grandeur, dans le fait de saluer un retour alors que la victime repose, elle, morcelée, dans un silence éternel imposé par la barbarie ?

Les réactions indignées qui ont suivi, émanant tes collègues parlementaires, ceux de la société civile et d’une opinion publique unanime, ne relèvent pas d’un réflexe passionnel. Elles traduisent une exigence profonde de justice, de respect des morts, et de cohérence morale dans l’exercice de la parole publique. Lorsqu’un député prend la parole, il ne parle pas seulement en son nom ; il engage une responsabilité historique. Il porte, d’une certaine manière, l’âme du peuple qui l’a élu. En l’espèce, cette parole fut une dissonance douloureuse.

J’’écris ces lignes avec tristesse, car j’avais pour ce jeune député une estime réelle. Mais force est de constater que ses récentes sorties médiatiques s’enchaînent avec un ton de plus en plus déconcertant, comme détachées de leur contexte, déconnectées des sensibilités nationales, parfois en rupture avec les combats justes qu’il prétendait incarner. Il est encore temps pour lui de réfléchir à la portée de ses mots, à la trace qu’ils laissent, et au rôle qu’il veut jouer dans l’histoire de ce pays : sera-t-il la voix de la justice, ou celle du tumulte ? L’écho d’un idéal, ou l’ombre d’un malentendu ?

Rien ne justifie qu’on foule aux pieds la mémoire d’un mort, surtout lorsque cette mémoire est encore vive, douloureuse, et qu’elle porte le sceau du sacrifice. La politique, lorsqu’elle perd le sens de l’humain, n’est plus qu’un jeu triste de postures. Et c’est justement à cela que nous devons résister. Pour Ahmed. Pour sa famille. Et pour l’honneur de notre justice.

Khaly, on peut être de peau noire comme moi, mais avec un cœur pétri d’humanité.

Haroun Rabany

Shems maarif.info

Titre : Rapide info

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