Mauritanie : Une enquête officielle révèle des dysfonctionnements administratifs, mais écarte la corruption systémique
Mauritanie : Une enquête officielle révèle des dysfonctionnements administratifs, mais écarte la corruption systémique
Nouakchott – 13 avril 2025
Une récente enquête ministérielle diligentée par les autorités mauritaniennes met en exergue des failles structurelles dans les procédures administratives relatives à l’investissement étranger, sans toutefois confirmer les accusations de corruption formulées publiquement par une investisseuse américaine. Ce rapport, rendu public par le ministère de l’Économie et des Finances, s’inscrit dans une démarche de clarification après des déclarations virales qui ont suscité un vif débat sur la transparence et l’efficacité de l’administration publique.
De la dénonciation numérique à la réaction institutionnelle
À l’origine de cette séquence, une série de publications sur les réseaux sociaux diffusées le 5 avril par Danielle Ciribassi, entrepreneure américaine active en Mauritanie. Elle y décrivait un climat d’affaires entravé par « des négligences administratives », « des pressions injustifiées » et « des tentatives de corruption ». Ces propos, largement relayés en ligne, ont poussé les autorités à réagir promptement. Dans un souci d’apaisement et de vérification, un comité d’enquête interinstitutionnel a été mis en place pour examiner les allégations et proposer des pistes d’amélioration.
Le comité a procédé à des auditions variées, impliquant une vingtaine de personnalités du secteur public comme du privé. Mme Ciribassi, initialement réticente à participer au processus, a finalement accepté de s’exprimer, à condition que l’anonymat des personnes impliquées soit respecté. Toutefois, cette démarche a limité la capacité du comité à étayer certaines affirmations.
Dysfonctionnements relevés, mais absence de preuves de corruption
Les conclusions de l’enquête soulignent un ensemble de défaillances techniques et organisationnelles, notamment une coordination insuffisante entre services publics, une faible accessibilité à l’information réglementaire, ainsi qu’un déficit de communication institutionnelle. Ces carences sont jugées préjudiciables à l’attractivité du pays pour les investisseurs étrangers, sans pour autant constituer, selon les enquêteurs, des preuves tangibles de corruption systématique.
En revanche, l’absence de coopération initiale de Mme Ciribassi a été relevée comme un frein à l’instruction complète du dossier. Le comité estime que l’appel à la transparence doit s’accompagner d’un engagement à dévoiler les faits de manière exhaustive, y compris les identités des personnes mises en cause, condition essentielle à toute procédure judiciaire ou disciplinaire.
Le rapport mentionne également une possible non-conformité de l’entreprise de l’investisseuse vis-à-vis du cadre fiscal en vigueur. Ce point a été intégré à l’analyse globale, mais n’a pas constitué le cœur des investigations.
Des réformes envisagées pour moderniser l’administration
Face aux constats dressés, le ministère de l’Économie et des Finances a annoncé son intention de renforcer les réformes en cours. Parmi les mesures proposées figurent l’accélération de la digitalisation des services publics, la formation continue des agents, l’amélioration des échanges interinstitutionnels, ainsi que la transmission du dossier à l’Agence Judiciaire de l’État pour déterminer d’éventuelles suites juridiques.
Dans un communiqué, le ministère a réitéré son attachement à l’amélioration du climat des affaires et a appelé à une couverture médiatique rigoureuse, mettant en garde contre la diffusion d’informations non vérifiées susceptibles de nuire à la réputation du pays.
Une position plus nuancée de l’investisseuse
Dans une déclaration vidéo obtenue par le média Aqlame, Danielle Ciribassi a modéré ses propos initiaux, affirmant ne pas vouloir porter atteinte à l’image de la Mauritanie, un pays qu’elle dit « aimer profondément ». Elle a cependant exprimé sa préoccupation quant à la divulgation de certaines données relatives à son entreprise et a réaffirmé que ses critiques visaient à provoquer un sursaut constructif, non une polémique.
Elle a salué la démarche d’enquête, qualifiant le travail du comité de « professionnel » et « globalement satisfaisant », tout en appelant à un renforcement de la confidentialité dans les interactions entre le secteur privé et l’administration.
Une réforme administrative à l’épreuve de la confiance
Cette affaire illustre les défis auxquels sont confrontées les administrations publiques dans un contexte d’ouverture économique et d’exigence accrue en matière de transparence. Si l’enquête n’a pas permis d’établir de responsabilités pénales ou disciplinaires, elle met en lumière une urgence de modernisation des services publics pour consolider la confiance des investisseurs internationaux. La réussite des réformes annoncées dépendra désormais de leur mise en œuvre concrète, dans un équilibre délicat entre efficacité, transparence et protection des données sensibles.