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Retour sur scène : le Procès de Mohamed Ould Abdel Aziz et les défis d’une Mauritanie en reconquête

Retour sur scène : le Procès de Mohamed Ould Abdel Aziz et les défis d’une Mauritanie en reconquête

Depuis sa démission en 2019, l’ancien président de la Mauritanie, Mohamed Ould Abdel Aziz, n’a cessé d’alimenter les débats. Le 25 février 2025, alors que le procureur général réclame une peine de 20 ans de prison contre lui, la candidature de l’ex-président à l’élection présidentielle de 2024 annonce un retour en force sur la scène politique, soulignant la persistance de son influence et, paradoxalement, les difficultés de sa réintégration. En effet, cette candidature, portée par un nouveau mouvement, le Front pour le changement démocratique, se heurte à des obstacles multiples, tant juridiques que politiques. Malgré un soutien populaire, manifeste, il échoue à obtenir les parrainages nécessaires à sa validation. Dans un paysage politique mauritanien en pleine recomposition, ce rejet institutionnel ne fait qu’ajouter une couche supplémentaire à une tension déjà palpable, où les luttes de pouvoir internes sont loin d’être résolues.

L’un des aspects les plus fascinants de cette affaire réside dans la question de la légalité de la candidature d’Ould Abdel Aziz. En dépit de son aura populaire indiscutable, la légitimité de sa tentative de retour en politique reste sujette à caution. Les conditions de parrainage, jugées excessivement strictes, deviennent ainsi un véritable terrain d’affrontement. Dans ce contexte, les tensions entre l’ancienne majorité présidentielle et les nouveaux acteurs politiques se cristallisent, et la question se pose : ce verrouillage des candidatures, est réellement un gage de légalité, ou bien est-il le fruit de manœuvres visant à écarter un rival encombrant ? Ce refus d’aval institutionnel révèle une stratégie plus large où l’équilibre des forces semble perpétuellement en jeu.

Un autre acteur clé s’invite dans cette dynamique, et pas des moindres : Moctar Ould Diay, Premier ministre depuis août 2024. Connu pour son approche technocratique et sa volonté de réformer l’administration, il s’impose comme un personnage à la fois admiré et redouté. Son parcours, marqué par une indépendance affirmée des logiques tribales et clientélistes, lui confère une image d’intégrité, mais aussi une position d’outsider dans un système profondément influencé par des réseaux d’influence. Le soutien qu’il rencontre pour ses réformes se heurte cependant à une hostilité croissante, en particulier de la part de ceux qui voient en lui une menace pour les équilibres politiques traditionnels du pays. Loin de l’image du dirigeant traditionnel, Ould Diay semble incarner, pour certains, l’inconnu redouté, celui qui pourrait bouleverser l’ordre établi.

Dans cet environnement, les frictions au sein de l’équipe de défense de Mohamed Ould Abdel Aziz viennent enrichir le climat déjà électrique. Le retrait de figures politiques influentes, comme le Premier ministre Moctar Ould Diay et l’ex-ministre Hassena Ould Ely, est perçu comme une manifestation de la politisation croissante de ce procès. Bah Ould Mbareck, avocat et membre de la défense Ould Abdel Aziz, affirme que cette sortie révèle une instrumentalisation du judiciaire dans un jeu de pouvoir où la frontière entre politique et justice devient de plus en plus floue. Ce retrait symbolise l’instrumentalisation du droit et exacerbe les interrogations sur la neutralité de la justice dans ce contexte.

Mais ce qui semble réellement au cœur du débat, c’est la question de l’équité du procès lui-même. L’équipe de Mohamed Ould Abdel Aziz accuse des manœuvres visant à entraver sa défense, notamment par la réduction du temps alloué pour préparer le dossier. Les accusations de harcèlement et d’obstruction révèlent une profonde défiance envers un système judiciaire perçu comme manipulé par des enjeux politiques. Ce contexte de tensions fait naître un climat de méfiance généralisée, où la question de l’impartialité du pouvoir judiciaire ne peut plus être évitée. En effet, le procès devient le miroir d’une Mauritanie prise dans une danse complexe, où les lois ne semblent parfois que des instruments dans un bras de fer politique.

Au final, l’affaire Mohamed Ould Abdel Aziz dépasse largement le cadre du simple procès criminel. Elle se révèle être le théâtre d’un affrontement de pouvoirs, une bataille pour la définition de l’avenir politique du pays. Tandis que certains, comme Moctar Ould Diay, tentent de réformer le système, d’autres, comme l’ex-président, cherchent à revenir sur la scène politique pour défendre leur héritage. Le procès, loin d’être un simple débat sur la justice, devient ainsi un indicateur des fractures profondes au sein du pouvoir mauritanien.

Retour sur scène, le Procès de Mohamed Ould Abdel Aziz et les défis d’une Mauritanie en reconquête. Les mois à venir s’annoncent décisifs pour la Mauritanie. Le pays, à un tournant de son histoire politique, se trouve face à des défis de taille. Si la stabilité politique et la transition démocratique semblent à portée de main, elles nécessiteront des choix audacieux et une réelle volonté de concilier les fractures internes. La Mauritanie devra naviguer dans des eaux troubles, entre ambitions personnelles et exigences d’un avenir collectif, pour espérer trouver la voie d’une démocratie véritablement inclusive et stable.

Ahmed OULD BETTAR

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