Le Dialogue National et la quête de Justice : l’ éxigence de Biram Dah Abeid
Le Dialogue National et la quête de Justice : l’ éxigence de Biram Dah Abeid
Dans le cadre du dialogue national initié par le président Mohamed Ould Ghazouani, Biram Dah Abeid, député et président de l’Initiative de Résurgence du Mouvement Abolitionniste (IRA), a posé une condition majeure à sa participation. Il exige le règlement du dossier des jeunes manifestants tués lors des événements postélectoraux à Kaédi.
Lors d’une conférence de presse tenue le 20 mars, il a rappelé avoir exprimé sa « ferme position » directement au président lors de leur dernière rencontre. Dah Abeid a appelé Ghazouani à « profiter du mois béni du Ramadan » pour rencontrer les familles des victimes au palais présidentiel, un geste qui, selon lui, serait un pas important vers la résolution de ce dossier sensible. Toutefois, il a déploré que le président se soit contenté d’exprimer sa tristesse quant au décès du père d’un des jeunes, sans avancer de mesures concrètes.
Une éxigence de Justice et de Vérité
Dah Abeid insiste sur le fait que le dossier des martyrs de Kaédi, tout comme le passif humanitaire, doit être « une question centrale de tout dialogue sérieux ». Selon lui, les familles des victimes, souvent « intimidées », « soumis à la peur » et « à la corruption », n’ont pas eu les moyens de réclamer une autopsie ou une enquête judiciaire. Face à cette situation, elles se sont tournées vers lui pour demander son aide.
Ablaye Diop, représentant des familles des victimes, a réitéré leur volonté d’obtenir justice et a salué l’engagement de Dah Abeid. Ce dernier a mis en garde l’avocat des familles, Me Mohamed Hartani, contre les pressions qu’il pourrait subir, insistant sur la nécessité de rester ferme face aux intimidations.
Les sept jeunes décédés en détention à Kaédi avaient été arrêtés lors des manifestations suivant la présidentielle, suite à la diffusion massive d’enregistrements audio affirmant la victoire de Dah Abeid. La répression qui s’ensuivit mena à de nombreuses arrestations et à la coupure de l’accès à Internet mobile, limitant ainsi la communication des protestataires.
Ingérences politiques et résistances
Dah Abeid dénonce l’ingérence de certains responsables politiques régionaux dans le processus judiciaire, affirmant qu’ils ont cherché à bloquer l’ouverture d’une enquête. Il les accuse d’avoir exercé des pressions sur les familles afin de les empêcher de demander une autopsie et de les pousser à procéder à des inhumations rapides.
Réactions des Partis politiques
Face à ces revendications, les réactions politiques divergent. Le parti au pouvoir, El Insaf, présente le dialogue national comme un moyen d’apaiser les tensions et de réaffirmer l’engagement du gouvernement en faveur de la stabilité. Cependant, cette initiative est perçue avec scepticisme par des partis d’opposition tels que l’Union des Forces de Progrès (UFP) de Mohamed Ould Maouloud, l’Alliance pour la Justice et la Démocratie/Mouvement pour la Réconciliation (AJD/MR) de Harem, le parti de Jamil Mansour, ainsi que le Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) d’Ahmed Daddah. Pour eux, ce dialogue pourrait être une tentative de détournement de l’attention des problèmes liés à la violence et à l’impunité.
D’autres formations, comme l’Alliance Populaire Progressiste (APP) de Messaoud Ould Boulkheir et le parti islamiste Tawassoul, pourraient soutenir l’initiative de Dah Abeid en appelant à plus de transparence et à une véritable responsabilisation dans le cadre du dialogue national. Toutefois, le défi majeur réside dans la prise en compte effective des revendications des victimes et de leurs familles.
Allons-nous vers une démocratie plus inclusive ?
Le discours de Dah Abeid souligne un besoin urgent de justice et de réparation. Il met en lumière la nécessité pour les différents acteurs politiques d’intégrer les voix marginalisées dans le processus de dialogue et de réconciliation nationale.
L’avenir du dialogue national dépendra donc de la capacité du gouvernement et des partis d’opposition à prendre en compte ces revendications et à traduire en actions concrètes les aspirations à la justice et à l’équité. Dans cette perspective, nous avons désormais l’opportunité de poser les jalons d’une démocratie plus respectueuse des droits humains et des aspirations de ses mauritaniens.
Ahmed Ould Bettar