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La crise identitaire en Mauritanie : Une lecture historique

La crise identitaire en Mauritanie : Une lecture historique

La question identitaire en Mauritanie constitue l’un des défis majeurs ayant marqué l’histoire du pays, de la période coloniale jusqu’à aujourd’hui. Elle est le fruit d’un héritage complexe, marqué par des tensions sociales, culturelles et politiques. À travers une approche historique, Je vais tenter d’analyser les différentes phases de cette crise et les défis qu’elle pose pour l’avenir.

1. Les racines coloniales de la crise identitaire

L’identité mauritanienne a été profondément influencée par la période coloniale française (1903-1960). Le découpage territorial et la politique de « diviser pour mieux régner » ont renforcé les clivages entre les différentes composantes ethniques et sociales du pays. Le colonialisme a contribué à rigidifier les distinctions entre Arabes, Berbères et communautés négro-africaines (Peuls, Soninkés, Wolofs, Bambara), exacerbant ainsi les tensions qui subsistaient déjà dans la société. C’était là, si je n’ai pas la mémoire trop courte les cours que j’avais reçu au Lycée national, les années 80.

Cette époque a vu l’émergence d’une production écrite marquée par une prise de conscience identitaire. Des écrivains et intellectuels ont commencé à exprimer, à travers la poésie et les récits, leur rapport à une nation en construction, tiraillée entre son héritage africain et l’influence européenne.

2. L’indépendance et l’émergence des tensions (1960-1980)

Gamal Abd Nasser et Mokhtar Ould DaddahL’accession à l’indépendance en 1960 sous la présidence de Moktar Ould Daddah n’a pas permis de résorber ces tensions. Bien au contraire, la volonté d’affirmation d’une identité nationale basée sur l’arabité a été perçue par une partie des communautés négro-africaines comme une marginalisation de leur culture et de leur langue. Cette période a vu les premiers conflits identitaires émerger, notamment à travers des politiques de réforme éducative et administrative favorisant l’arabe au détriment du français et des langues nationales africaines. Les premiers lettrés négro-africains étaient arabisants. ElHadj Mahmoud Ba avait facilité grâce à ses relations avec Gamal Abd Nasser l’obtention de bourses d’études au profit de ses disciples. De nombreux négro-africains sortant d’Alazhar (des sociologues, des théologiens, des diplômés en sciences de l’Éducation) n’avaient pas pu intégrer la fonction dans le domaine de leur spécialité…  Et pour la petite histoire, il se raconte que c’est Mahmoud Ba qui fléchit la position de Nacer au profit de la Mauritanie. Et il se dit également que c’est Mahmoud Bâ qui a introduit Daddah chez Nacer dans le but de changer et de renforcer la position des pays arabes à emboîter le pas à Bourguiba… Sur le plan littéraire, ces tensions se reflètent dans les œuvres de plusieurs écrivains mauritaniens, qui ont dénoncé, parfois avec virulence, l’injustice sociale et les inégalités ethniques. La poésie, notamment, est devenue un vecteur d’expression privilégié pour revendiquer une reconnaissance culturelle équitable.

Les années 1980-1990 : le passif humanitaire3. Les années 1980-1990 : le passif humanitaire

Cette période constitue l’un des épisodes les plus sombres de l’histoire récente de la Mauritanie. Le régime de Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya (1984-2005) a été marqué par une politique de répression contre les communautés négro-mauritaniennes, contre certaines tribus et contre certaines obédiences politiques. Les événements de 1989-1991, qui ont vu des milliers de Noirs mauritaniens expulsés, déportés ou assassinés sur les deux rives du Fleuve Sénégal, ont laissé des cicatrices profondes dans la mémoire collective.

Les écrivains de cette époque ont joué un rôle crucial en dénonçant ces exactions. Des témoignages poignants et des récits littéraires ont émergé, mettant en lumière les drames humains causés par cette politique d’exclusion et de violence.

4. Défis contemporains et voies vers la réconciliation

Citation: feu Sidi Ould Cheikh AbdellahiAujourd’hui, la Mauritanie est toujours confrontée aux séquelles de cette crise identitaire. L’un des principaux défis réside dans l’absence de concessions de la part de toutes les parties impliquées. Pour tourner la page de manière définitive et constructive, il est essentiel que chacun soit prêt à faire des efforts et à envisager des compromis.

Feu Sidi Ould Cheikh Abdellahi avait amorcé une dynamique prometteuse visant à explorer des solutions viables et à favoriser un dialogue ouvert. Malheureusement, malgré ces bonnes intentions, les obstacles persistent. La réconciliation nécessite une approche collective et respectueuse, où la mémoire des victimes est honorée et où les erreurs du passé sont reconnues.

La tendance actuelle reflète une volonté de dépassement des clivages. De nombreux auteurs plaident pour une Mauritanie unie, où les identités multiples coexistent dans le respect mutuel.
La crise identitaire est une problématique complexe qui s’étend sur plusieurs décennies. Son dépassement passe par une reconnaissance des injustices passées, un dialogue sincère entre les communautés et une volonté politique affirmée d’instaurer une société plus inclusive. Seule une approche fondée sur la justice, la vérité et la réconciliation pourra permettre à la Mauritanie de construire un avenir harmonieux et apaisé.

Ahmed Ould Bettar

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