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Route Mauritanie-Maroc : « Je ne vois pas la rupture de la neutralité de Nouakchott »

Route Mauritanie-Maroc : « Je ne vois pas la rupture de la neutralité de Nouakchott »

Dans un entretien accordé à RFI, l’ancien ministre et diplomate mauritanien Ahmedou Ould Abdallah revient sur l’ouverture d’un poste-frontière entre la Mauritanie et le Maroc, près de Tindouf. Il défend la liberté de notre pays d’aménager son territoire sans rupture avec sa neutralité historique dans le conflit du Sahara. Il souligne également l’impact économique de cette nouvelle route sur les échanges commerciaux en Afrique de l’Ouest, tout en écartant toute implication de la Mauritanie dans les tensions régionales.

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Route Mauritanie-Maroc: «Je ne vois pas la rupture de la neutralité de Nouakchott»
RFI : La Mauritanie accepte d’ouvrir un nouveau poste frontière avec le Maroc au nord-est du Sahara occidental, à 400 kilomètres à peine de Tindouf, la base principale du Front Polisario. Est-ce un geste politique de la part de Nouakchott ?

Ahmedou Ould Abdallah : À mon avis, par principe, un pays dispose de la liberté de mouvement, d’investissement et d’action sur son territoire national. Si la Mauritanie ouvre une route dans une partie de son territoire national, que cela soit avec la frontière de l’Algérie ou qu’elle soit en train de construire le pont actuellement avec le Sénégal sur le fleuve à Rosso, ou qu’elle prolonge la route qui la lie de Bassikounou au Mali, je ne vois pas en principe une action hostile même si elle peut gêner. Je ne la vois pas comme hostile à un pays ou à une organisation.

Mais est-ce à dire que la Mauritanie sort de sa neutralité historique dans le conflit du Sahara et se rapproche du Maroc ?

Je suis bien placé pour me souvenir du communiqué que la Mauritanie a signé en août 1979. Notre communiqué, que j’ai rédigé personnellement, parle de « stricte neutralité ». Mais cela ne veut pas dire que nous renonçons aux intérêts du pays, en particulier dans une région de transit avec le Sahel qui est une région de commerce. Je ne vois pas a priori de rupture de la neutralité avec l’ouverture d’une route qui lie telle ou telle ville de Mauritanie à un pays étranger, que ce soit le Mali, le Maroc, le Sénégal ou l’Algérie. D’ailleurs, nous faisons la route maintenant Tindouf-Bir Moghrein qui est très avancée.

Vous parlez commerce. Il y a déjà une route commerciale entre le Maroc et la Mauritanie. Elle longe la côte atlantique du Sahara occidental jusqu’à Guerguerat puis jusqu’en Mauritanie. Mais avec cette nouvelle route éventuelle, les camions marocains pourront couper à travers le désert au départ de Smara au nord-est du Sahara occidental et à destination du nord de la Mauritanie, quel serait l’avantage économique pour le Maroc et la Mauritanie ?

Je dois ajouter que, dans la presse au Sénégal et ailleurs, on parle également non seulement de cette route actuellement existante, mais on parle même de la création d’une ligne de navigation de Dakhla directement à Dakar. Cette 3e route ne peut qu’accélérer les échanges entre la Mauritanie et le Maroc mais aussi l’Europe du Nord et l’Afrique subsaharienne. Cette route pourrait éventuellement accélérer la production des produits et une baisse des prix.

Et permettrait peut-être aux trois pays de l’Alliance des États du Sahel de se mettre à l’abri d’une éventuelle crise supplémentaire avec les pays côtiers de la Cédéao ?

Absolument, par exemple, vous connaissez ces problèmes entre le Bénin et le Niger mais aussi le Burkina avec certains pays côtiers.

Le problème, c’est que cette route doit passer par une région du Sahara occidental, au sud de Smara, qui est un secteur où l’armée marocaine et le Front Polisario se sont durement affrontés en 1991. Aujourd’hui, le Front Polisario dit à la Mauritanie que l’ouverture éventuelle de cette route ne restera pas sans conséquences. Est-ce qu’il y a un risque d’escalade militaire ?

Je pense que, tant qu’il y a un conflit, il y a toujours un risque d’escalade militaire. Il y a quelques années, il y a eu des attaques dans la région de Guerguerat, c’est-à-dire sur la route qui existe actuellement. Mais de mon point de vue, la Mauritanie n’est pas à blâmer dans cette situation. Si un pays voisin, que ce soit le Sénégal, le Mali, l’Algérie, comme je vous dis que, Dieu merci, on est en train de faire la route de Tindouf à la Mauritanie, si le Maroc fait la même chose, je ne vois pas en quoi on pourrait blâmer la Mauritanie.

Concrètement en 1998, au sud de Smara, l’ONU et la Minurso ont réussi à arracher un accord pour qu’il y ait des restrictions et des retenues militaires de la part de l’armée marocaine et de la part du Polisario sur leur présence autour de ce fameux mur de sable. Est-ce que cet accord militaire n°1 comme on l’appelle peut encore tenir à l’avenir ?

C’est une excellente question qui concerne les parties qui sont concernées. Je pense que la Mauritanie n’est pas concernée. Si mon avis pouvait être écouté, la Mauritanie ne serait même pas observatrice. La Mauritanie, je parle à titre privé évidemment, n’est pas partie prenante. On doit nous laisser en dehors de cette situation. La Mauritanie devra continuer d’observer la position actuelle du gouvernement qui est celle de stricte neutralité.

D’équidistance entre Rabat et Alger ?

Tout à fait !

Sources infos: RFI

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