Procès de Mohamed Ould Abdel Aziz : entre enjeux politiques et zone d’ombre sur l’absence du Premier ministre
Procès de Mohamed Ould Abdel Aziz : Entre enjeux politiques et zone d’ombre sur l’absence du Premier ministre
Le procès en appel de l’ancien président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, condamné en première instance à cinq ans de prison ferme pour enrichissement illicite et blanchiment d’argent, s’impose comme une affaire judiciaire à forts enjeux politiques et juridiques. En toile de fond, ce dossier soulève des questions sur l’application des lois anti-corruption et la responsabilité des plus hautes instances de l’État. Retour sur les principaux débats de ce procès et sur l’absence remarquée de l’actuel Premier ministre parmi les témoins.
Des accusations lourdes sur le fond
Mohamed Ould Abdel Aziz, qui a dirigé la Mauritanie de 2009 à 2019, est accusé d’avoir abusé de sa position pour accumuler une fortune colossale estimée à environ 67 millions d’euros, selon le Monde.fr. Cette somme englobe des biens immobiliers, mobiliers et des avoirs bancaires disséminés dans plusieurs pays. L’ancien chef d’État, connu pour ses postures populistes et son autoritarisme, a toujours nié en bloc les accusations portées contre lui, les qualifiant de manœuvres politiques destinées à l’éloigner définitivement de la scène publique.
Des contestations sur la forme
Dès l’ouverture de l’audience en appel à Nouakchott, la défense de l’ancien président s’est attelée à remettre en cause la constitutionnalité de certains articles de la loi anti-corruption. Les avocats de M. Ould Abdel Aziz ont évoqué l’article 2 de la loi 040-2016, soutenant que celui-ci ne peut s’appliquer qu’aux fonctionnaires et non au président de la République. En outre, ils ont invoqué l’article 93 de la Constitution, stipulant que seul la Haute Cour de justice est compétente pour juger un ancien chef d’État. Ces arguments ont poussé la Cour d’appel à suspendre les débats pour saisir le Conseil constitutionnel, qui dispose d’un délai de 30 jours pour rendre son avis.
La crédibilité du tribunal en question
La suspension du procès par la Cour d’appel a été perçue comme un signe d’impartialité et de respect des procédures judiciaires. Cependant, cette décision pourrait également renforcer la perception que la justice mauritanienne est sujette à des influences politiques. Si la Cour se montre respectueuse des droits de la défense, les observateurs craignent que les débats autour de la constitutionnalité des lois anti-corruption ne deviennent un prétexte pour ralentir le cours de la justice.
Une stratégie offensive de la défense
Les avocats de Mohamed Ould Abdel Aziz adoptent une stratégie double : dénoncer l’irrégularité des procédures et présenter leur client comme une victime de persécution politique orchestrée par le pouvoir actuel. Ils pointent du doigt l’absence de preuves matérielles d’enrichissement illicite et considèrent que l’affaire est motivée par des rivalités personnelles et des intérêts économiques.
Le rôle de la partie civile
De leur côté, les avocats de la partie civile soutiennent que la loi anti-corruption s’applique à toutes les autorités publiques, y compris le président de la République. Ils considèrent les arguments de la défense comme des tentatives dilatoires visant à discréditer la justice mauritanienne et à détourner l’attention des faits reprochés à l’ancien président.
Une absence controversée : pourquoi le Premier ministre n’a-t-il pas été convoqué ?
Un aspect troublant de cette affaire reste l’absence de convocation de l’actuel Premier ministre qui aurait pourtant joué un rôle à l’époque de la présidence de Mohamed Ould Abdel Aziz. Selon plusieurs observateurs, cette omission pourrait s’expliquer par des considérations politiques. Le pouvoir actuel pourrait chercher à éviter d’éclabousser les responsables en poste pour ne pas affaiblir les institutions de l’État. D’autres avancent l’hypothèse que l’actuel gouvernement cherche à concentrer toute l’attention sur Ould Abdel Aziz afin de s’en servir comme bouc émissaire. Enfin, une troisième hypothèse pourrait être plausible : le Premier ministre n’a pas été convoqué simplement parce qu’il n’est pas accusé dans cette affaire, et le tribunal, en conformité avec son mandat, se concentre uniquement sur les personnes directement impliquées dans les charges retenues.
Un procès emblématique pour l’avenir de la justice mauritanienne
Le verdict final de cette affaire pourrait avoir des conséquences majeures sur la perception de l’État de droit en Mauritanie. Alors que le pays cherche à renforcer sa lutte contre la corruption, le traitement réservé à Mohamed Ould Abdel Aziz servira de test pour évaluer la crédibilité et l’indépendance de ses institutions judiciaires. En attendant, le procès en appel reste suspendu aux décisions du Conseil constitutionnel, dont l’arbitrage sera crucial pour la suite des événements.
La Rédaction