Bonjour, chers Guirganké! | Ely Ould Sneiba
Bonjour, chers Guirganké! | Ely Ould Sneiba
Avant tout, toutes mes excuses pour ce silence qui a duré des siècles et des siècles. En réalité, c’est n’est que récemment, au gré de mes lectures, que j’ai découvert votre existence, existence si brillante à votre époque si lointaine.
Que voulez-vous ? Il y a une sélectivité dans notre mémoire. Il est possible que l’érosion historique y soit pour quelque chose, tout comme l’aspiration à l’autochtonie, un des mythes fondateurs de la propagande ethniciste poulo-toucouleure, elle-même étroitement liée à la rivalité interethnique qui caractérise notre vie nationale depuis que nous avons décidé, tous ensemble, Arabo-Mauritaniens et Négro-Mauritaniens, de construire un État moderne de manière volontaire.
En outre, quand j’ai eu l’occasion de faire savoir à mes compatriotes que vous étiez là depuis des temps immémoriaux, les irrédentistes foutankés ont failli surgir des écrans pour m’exprimer leur colère violemment.
Ils étaient furieux à l’idée que vous nous aviez légué des cités anciennes telles que Chinguetti, Tichit et Oualata, qui témoignent de votre passé glorieux. La paternité de celles-ci ayant été dévoyée pour que nos ancêtres n’y soient pour rien.
Vous voyez, chers parents, tout est en règle pour vous enfoncer dans l’oubli de l’histoire, et nous priver d’un argument préhistorique prouvant que nous ne sommes pas nés de la dernière pluie.
Bien que des Yéménites anciens, tels que les Sanhadja, vous aient précédé, suivis par les Oudaya, des Maqils tout aussi anciens, signalés du côté de Ouadane au début du XVème siècle, les ethnicistes poulo-toucouleurs persistent à nier le fait que notre présence sur ce territoire ait une origine antique.
C’est incroyable, les irrédentistes foutankés, qui ne peuvent pas revendiquer leur autochtonie par rapport à nous autres, se cachent derrière les Soninkés, et parlent de noyau central soninké dans cette dynamique de peuplement qui a eu lieu sur notre territoire au fil des siècles. Peut-être qu’ils ne réalisent pas qu’il y a une longue histoire de brassage et de lien familial étroit entre vous et les Soninkés. Votre nom, Guirganké, a été donné par eux, avant même l’existence de la confédération ethnique Peule et Toucouleure.
Avant de conclure cette lettre, je souhaite vous informer que nous sommes un État depuis 1960. Mais la cohésion de notre population demeure un véritable casse-tête.
En effet, les nationalistes pulaars affirment que l’intégration est une assimilation. Ils soutiennent également que celui qui apprendra l’arabe sera arabe, donc perdu.
‘’Je l’ai soulevé, il a crié. Je l’ai déposé, il a crié ‘’. Que puis-je faire, chers Guirganké ?
Ely Ould Sneiba
21 décembre 2024