PARTAGE DE LECTURE: La faillite d’un système!

PARTAGE DE LECTURE: La faillite d’un système!
Par Dr Aboubakry Ngaïdé
Les événements des derniers jours montrent s’il en était encore besoin que ce pays est fortement divisé. Ces divisions sont manipulées, entretenues et encouragées par une certaine bourgeoisie nouakchottoise. Il y a en Mauritanie une catégorie de population qui n’a jamais travaillé de sa vie et pourtant bénéficie de tous les privilèges. Et c’est cette dernière qui se pense légitime à dicter sa conduite au reste du pays. Ce n’est un secret pour personne qu’au pays des chameaux de la haine, la division a d’abord été orchestrée par le premier président Moctar ould Daddah. Son règne a introduit dans ce jeune État et dans l’esprit de ses habitants une politique ethniciste. Après les dix-huit ans de Ould Daddah, se succèdent à partir de 1978 à la tête de la Mauritanie, des régimes militaires qui depuis tiennent en otage ce pays. Imaginez un pays dirigé pendant presque un demi-siècle durant par des militaires aussi médiocres les uns des autres, ajoutez-y une dose de racisme, un nationalisme étroit, des imams clientélistes, des politiques carriéristes, des intellectuels au service d’une caste, cela donne le chaos politique mauritanien. Il y a des nations qui non seulement ne font guère rêver mais ont en plus horreur de tout rêve. La Mauritanie est ce pays où un universitaire, conseiller du général-président contribue à la marginalisation de la langue de formation de ses étudiants. C’est ce pays où un journaliste au service de la communication présidentielle, doublé d’un fervent défenseur de la cause palestinienne s’autorise dans un post Facebook à traiter ceux qui sont supposés être des adversaires politiques, de rats qu’il faudra aller chercher dans leurs trous pour les exterminer. C’est un brillant homme de culture et amoureux des livres qui, depuis Doha et au milieu d’autres compatriotes tous d’un même groupe ethnique, s’en prend à Samba Thiam, figure historique des FLAM (aujourd’hui FPC) en lui prêtant un programme politique conduisant à la division du pays au mépris de ses entretiens encore accessibles en ligne et qui défendent tout le contraire de ce qu’il avance. Ce sont des sorties renvoyant Biram à sa condition de hartâni et qui au fond sous-entend qu’il reste soit l’instrument des Peuls ou des Maures.
Au-delà des meurtres physiques dont la police reste le bras armé, les intellectuels de ce pays portent la responsabilité d’une dérive sectaire et d’un assassinat de la pensée et d’une faillite morale. Il n’est dès lors pas étonnant qu’un avocat colporte une fake news en partageant des images d’une arrestation au Congo pour diaboliser les subsahariens vivant en Mauritanie. En dehors de la manipulation de l’image récupérée dans cette vidéo et qui lui permet de partager ses idées nauséabondes, il y a quelque chose de terrible dans cette sortie de l’avocat et qui relève d’un racisme primaire. Plus violent encore est cet avertissement qui au fond est un appel à préserver une certaine idée de la Mauritanie qui n’a jamais existé : « L’exode de la jungle – écrit-il – ébranle notre pays et menace sa stabilité ». En plus de l’animalisation de ces jeunes, l’avocat s’autorise la diffamation de ce peuple en lui prêtant des actes criminels : la volonté de renverser le pouvoir mauritanien, pillage et incendie des bâtiments. De telles sorties ne devraient pas rester impunies dans une Mauritanie assurant la présidence de l’instance panafricaine. Mais cette sortie de l’avocat est loin d’être isolée, elle fait écho à d’autres voix de cette caste. C’est ainsi qu’un autre universitaire naviguant entre plusieurs langues et abandonnant de plus en plus ses livres pour demander au gouvernement d’interdire les organisations d’IRA et du RAG ou de dissoudre le parti SAWAB et de le retirer de toutes les représentations. Comme si le refus scandaleux de reconnaître l’IRA et le RAG ne suffisait pas, il faudra que leur existence soit interdite. Que l’excellent professeur nous explique comment interdire juridiquement une association qui n’a jamais reçu son récépissé. Loin de venir d’un seul parti, ces différentes voix prennent en otage les Maures et prétendent parler en leur nom. Ils prétendent être représentatifs de la Mauritanie et d’avoir le monopole de penser pour le bien de tous depuis leur demeure de privilégiés ou devrais-je dire d’autorisés. Si c’est un privilège d’être au service de sa nation, il n’y a aucun honneur à s’octroyer la licence de priver la parole et l’existence politiques à des adversaires, de profiter de sa position pour voler aux plus fragiles et de couvrir des assassinats en faisant passer les victimes pour des coupables.
Et pendant ce temps, des Noirs et de plus en plus de Maures, quittent le pays à la recherche d’une vie digne et décente ailleurs. Cette caste de profiteurs refuse de voir tout le mal qu’elle fait au pays et de l’injustice qui s’abat de plus en plus sur ses populations. Seule leur importe l’accumulation des biens, peu importe que ce soit au détriment des projets de construction d’écoles, des centres de santé ou pour soulager les nombreuses populations en difficulté dans notre pays. Cette caste se suffit à elle-même, elle a choisi le bon camp et misé sur le bon cheval. Aujourd’hui, c’est Ghazouani. Et il y a peu, c’était Ould Abdel Aziz. Ainsi agissent-ils, en renvoyant la responsabilité de tous les maux du pays aux militants noirs, les diaboliques flamistes et les irrécupérables iraouis. Car un bon noir, un patriote, doit être fidèle au maître, avoir un langage lisse, ne jamais se mêler de la politique. Et quand il décide de le faire, il appelle simplement au calme. Il doit rappeler que nous sommes tous musulmans, c’est ce cadeau du ciel qu’il faut protéger. Comme si avant d’être musulman, nous n’étions pas toutes et tous des femmes et des hommes qui exigent et réclament la dignité pour toutes et tous.
Des jeunes noirs ont été tués dans des locaux de la gendarmerie de Kaedi, et pour certains « esprits éclairés », la question essentielle semble celle de connaître le sexe des anges. Et c’est un avocat censé veiller à l’équilibre de la justice qui, cherche à faire des jeunes noirs du Congo, des boucs émissaires. Ne soyons pas durs avec cette caste, pour elle, tous les noirs se ressemblent. Ce sont tous des délinquants. Trouvez-en un à Kinshasa, ça fera votre affaire à Nouakchott. Mais ce que ce nouvel assassinat met à nu et au grand jour, c’est la désinhibition dans le Maghreb d’un discours qui emprunte ses codes aux extrêmes droites européenne et israélienne. Après Kaïs Saied en Tunisie, la Mauritanie s’apprête à défendre les idées de l’extrême droite européenne. La visite de Von der Leyen et l’accord signé avec l’UE montre que plus les positions des partis néolibéraux et illibéraux d’Europe s’endurciront, plus les politiques mauritaniennes à l’égard des Subsahariens deviendront de plus en plus insupportables. Et l’histoire de ce pays a montré que chaque fois que cet État foncièrement raciste s’en est pris à sa composante noire, des citoyens perméables aux idées des nationalistes arabes en ont profité pour s’accaparer de l’espace médiatique et déverser leur haine sur les étrangers que l’on accuse de tous les maux, comme si être un étranger subsaharien devait rimer avec l’exclusion en Mauritanie.
Cette phase qui s’ouvre appelle à plus de vigilance et à revoir la formation des policiers qui ont intégré dans leur logique que le pauvre est un ennemi. Les politiques successifs ayant poussé à l’extrême l’abrutissement de ce corps dans la mendicité, n’ont fait qu’encourager cette bêtise. Il revient aux autorités en place d’apporter des réformes, de se réformer elles-mêmes en ne faisant pas de tout fonctionnaire un militant du parti au pouvoir. Cette pratique a mis à la tête de l’État des médiocres en privant de l’avancement des Mauritaniens ayant pour seul souhait de servir leur pays. Pour échapper à cette corruption, de plus en plus de Mauritaniens, noirs comme blancs choisissent d’élire domicile loin des terres de naissance pour ne pas se compromettre avec ceux qui tuent et assassinent pour appauvrir davantage la majorité de sa population dans un pays très riche en ressources naturelles. L’on peut pour soulager sa conscience faire comme le font le journaliste et l’influenceur, diaboliser Biram pour le premier et Thiam pour le second et se convaincre d’avoir bien agi, ou de décider de mettre un terme à ce système de domination pour le bien des filles et fils de la Mauritanie.

Source: Kaaw Elimane Bilbassi Touré (Facebook)

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